Evil Altar

Genre : Satanisme rural

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Magie noire chez les ploucs. Si si si... Ca pourrait être le sous-titre de cette petite série B américaine sans prétention, « Evil Altar ». Mais le nanarophage impénitent y trouvera surtout son plaisir dans la présence de deux vieilles connaissances, deux « heavy » à carrure impressionnante et à gueule impossible, j'ai nommé William Smith et Robert Z'Dar.

Et la magie noire, nous tombons en plein dedans dès le prologue, car nous y voyons William Smith déguisé en prêtre simili-bouddhiste, planté devant une jeune victime encore vivante, attachée en hauteur. Smith, au crâne rasé plus lisse que mon genou, apparaît en effet sanglé dans une élégante robe monacale, évoquant un bonze : pourtant, étant donné ses traits très occidentaux, on peut le traiter, sans risque de se tromper, de « bonze aryen ». Revenons à la victime, assez mal en point : Bill lui annonce qu'il l'emploiera comme « collecteur d'âmes », car il en a besoin de cent trois, pas une de moins, ni une de plus, et la dernière devra être vierge (ce qui autorise, il me semble, à collecter jusque là les vieilles pouffiasses, non ?) Décidément, le terme « collecteur » n'a pas bonne presse : collecteur d'impôts, ce n'est pas reluisant ; collecteur d'égoût, c'est déjà limite ; mais collecteur d'âmes pour sataniste rural, franchement, ça la fout mal...

Bon. Trente ans plus tard, nous assistons avec horreur à... un match de base-ball entre adolescents du coin, dans une petite ville de l'Amérique profonde. Aïe ! Le gore, je supporte bien, mais le base-ball, ça me tétanise. Heureusement, la caméra ne s'y attarde pas et suit un garçon qui tente de retrouver une balle perdue aux alentours. Nous faisons alors connaissance avec un colosse coiffé d'un bonnet rouge, au nez chaussé de lunettes noires et portant à la main une grosse batte (ce sont décidément des accros à ce sport, dans le coin). Bien évidemment, le colosse tombe à bras « raccourcis » - d'où la présence de la batte pour allonger sa portée - sur le gamin et le fourre dans un sac de toile qu'il traînait avec lui. Il ne laisse derrière lui que la casquette du jeune joueur...

Puis le « collecteur » - ben oui, c'est lui, vous ne l'aviez pas reconnu ? - ramène sa proie à son maître, comme le bon toutou obéissant qu'il est. Nous pénétrons alors dans l'antre du sataniste, un temple obscur tendu de toile rouge, aménagé dans une maison en périphérie de la ville. Le prêtre (William Smith, vous vous en doutez), qui n'a pas vieilli d'un poil en trente ans, reconnaît la victime et engueule copieusement son assistant car il lui a ramené un jeune du coin, alors qu'il lui avait bien spécifié de n'apporter que des étrangers. Le molosse, pas rosse, s'excuse en prétextant n'avoir rien trouvé d'autre (pas évident de faire ses emplettes quand on cherche des victimes pour un sacrifice, il n'existe pas de grand magasin spécialisé). On note là un premier gros trou dans le scénario : comment un kidnappeur aussi volumineux et reconnaissable a pu écumer la région en enlevant des dizaines de personnes, sans jamais que la police fédérale soit alertée ?

Deux touristes noirs, un père et un fils, qui passent dans la région à bord de leur BMW. Ils s'arrêtent à une station service, et le fiston, pris d'un besoin pressant, se rend dans les toilettes - franchement crade le petit coin, comme il s'en aperçoit vite. Là, il est capturé par notre ami le collecteur, qui s'en va discrètement avec sa proie. Il ne laisse derrière lui que la casquette du garçon - déjà la deuxième, ce qui nous laisse accroire que, quels que soient ses vices, ce n'est pas un fétichiste de la casquette. Le pauvre père (avocat dans la vie civile), qui recherche son enfant peu après, s'inquiète pour sa progéniture et commence à faire du barouf...

Non loin de là, Stu et sa fille Teri, une adolescente, sont partis à la chasse au daim. En avisant un, Stu laisse à Teri le soin de tirer sur la bête. Malheureusement, elle rate son coup... et dégomme le collecteur qui passait par là avec son sac rempli. Consternation dans la famille chasseuse. Accentuée quand ils trouvent un jeune noir inconscient dans le sac. Teri part téléphoner à la police, tandis que Stu garde le piètre trophée. Arrive le shérif du coin, et nous avons le plaisir de retrouver le colossal Robert Z'Dar, alors entre deux tournages de « Maniac Cop » (entre les 1 et 2 pour être plus précis). Il était alors assez beau gosse, malgré ses tendances à l'acromégalie faciale.

Durant sa conversation avec Stu, on apprend que le mort n'était autre que le domestique d'un certain Reed Weller et que celui-ci est un adepte de la magie noire. Apparemment, tous les habitants de la petite ville sont redevables d'un service à Weller - Stu, malgré ses dénégations, lui aurait plus ou moins demandé de supprimer sa première femme, pour se remarier avec une jeune et charmante blonde. On comprend aussi que Z'Dar est un flic totalement ripou, et qu'il fera n'importe quoi pour cacher les exactions du sorcier. D'ailleurs, à peine a-t-il embarqué les deux corps dans sa voiture qu'il se rend directement chez son patron officieux. Nous avons ainsi la chance d'avoir une scène entre William Smith (Reed Weller) et Robert Z'Dar (le shérif), le premier, bien que fortement baraqué, paraissant presque chétif auprès du second. Weller recueille les deux corps et tance vertement le policier, qui a l'air d'avoir une peur bleue de lui.

Dans l'antre du sataniste, le jeune noir est ranimée et attachée. Nous apprenons alors la raison de toutes ces sacrifices : les cent trois victimes sont saignées à mort pour que Weller devienne immortel. Pas moins. S'ensuit un long rituel avec une prière en langue inconnue, style « blablabla, blablabla », avec la vraie voix de William Smith (la version visionnée étant en VF). Ce qui nous permet avec amusement de distinguer une très nette différence de tessiture vocale entre l'acteur et son doubleur. A la fin du pensum, surprise ! Le collecteur ressuscite, toujours aussi prolixe (il faut dire qu'en bon bogeyman à la Jason, il n'a pas beaucoup de lignes de dialogue).

Il semble que cette résurrection attribue des super-pouvoirs au gentil collecteur, ou alors, à partir de ce moment, le scénario CDLSse (du verbe « CDLSser ») à mort. Teri (rappelez-vous, la jeune chasseuse maladroite) subit l'intrusion dans sa propre chambre du colosse meurtrier, qui se fourre les doigts dans la poitrine (au moins c'est pas dans le nez) pour extraire la balle qui l'a tué et la donner à l'adolescente terrorisée, avant de disparaître. La famille de Teri, dont son frère aîné Josh, lui assure qu'il s'agissait d'un rêve. Pourtant, elle a gardé la balle ! Par la suite, elle voit le collecteur partout, même derrière la vitre d'une fourgonnette (mais comme celle-ci appartient à Reed Weller, l'apparition n'a rien d'onirique). Elle le voit également à la télé - là le scénariste continue à déraper - où il égorge une actrice, tout ça pour impressionner « sa meurtrière ».

Peu après, encore une fois dans la chambre de Teri, une balle de base-ball prend un coup de folie et rebondit partout dans la pièce, mettant un souk monstre. Quand Josh entre, tous les objets déplacés ou cassés se remettent miraculeusement à leur place ! Teri, Josh et sa copine (les parents étant absents) concluent donc très vite : le collecteur est dans les murs ! Effectivement, après une course folle qui ne sert pas à grand chose, ils se heurtent au tueur dans le garage. Josh réussit à l'asperger d'essence et à lui mettre le feu. Le pauvre homme se transforme en torche vivante et va s'affaler dans la piscine proche, où il reste à flotter, comme un gros insecte noyé. Les trois jeunes s'empressent d'appeler le shérif (apparemment, personne n'a compris qu'il s'agissait d'un ripou) mais, quand Z'Dar arrive, le cadavre du collecteur a disparu. La policier, sceptique, passe sa rogne sur eux (on remarquera que cet hypocrite, qui file tout doux devant Weller, se rattrape sur les autres habitants en étant parfaitement puant d'arrogance).

D'ailleurs, Z'Dar, qui tentait d'étouffer l'affaire du garçon noir kidnappé, finit par arrêter l'avocat de père sous le prétexte fallacieux de meurtres sur les jeunes gens disparus ces derniers temps - prétexte d'autant moins plausible que le gars n'était pas là au moment des faits. Bon, passons... Conduit vers un lieu indéterminé en voiture, l'avocat réussit à assommer son geôlier et à s'évader...

Pendant ce temps, un autre autochtone, Ballard (qui est aussi le père de la copine de Josh), envieux de la réussite de certains de ses amis, comme Stu, passe un pacte avec Weller pour qu'il améliore sa situation. Weller accepte facilement, en lui affirmant de façon sibylline qu'il est déjà son débiteur - en fait, l'avant-dernier sacrifié n'était autre que le fils de Ballard, qu'il croit en fugue. Les effets ne tardent pas à se faire sentir. L'abominable Garrett, un quadragénaire libidineux qui tentait de séduire la fille de Ballard, est assassiné dans sa propre voiture par le collecteur, surgi d'on ne sait où...

Plein de dynamisme malgré sa zombification et sa crémation ultérieure, le collecteur en profite pour enlever Teri. Mais Ballard, qui guettait Garrett, l'a vu faire par hasard et le suit jusque chez Weller. En proie à un sens civique des plus improbables (surtout pour quelqu'un qui vient de passer un pacte diabolique) et à une rare insconcience (faut même être franchement con), il entre chez le sorcier et passe un coup de téléphone à Stu pour l'avertir de l'enlèvement de sa fille. A peine a-t-il parlé que le collecteur surgit et, dans un style purement « Massacre à la tronçonneuse », l'abat à grands coups de hache. C'est l'occasion ou jamais pour son interlocuteur téléphonique de croire qu'il a été « coupé » !

Remonté, Stu s'apprête à se rendre chez Weller et en avertit sa seconde femme, la pulpeuse blonde précitée. Surprise ! Celle-ci se transforme dans ses bras en une ignoble sorcière pleine de vermine (un emprunt à « Shining », un !) et le poignarde incontinent. Nous avons ensuite la vision de Teri, ligotée à l'intérieur d'une sorte de pentacle coloré, qui évoque davantage une décoration ratée de gâteau d'anniversaire qu'autre chose : c'est elle, la vierge qui fera l'objet du cent-troisième sacrifice et permettra à Weller de devenir immortel ! Josh, qui vient de rentrer chez lui, trouve son père mort dans la douche, alors que la belle-mère a disparu. Il ne lui faut pas longtemps pour se ruer chez le sataniste, toujours avec sa copine (quel pot de colle, celle-là !)

Mais l'avocat l'a précédé sur les lieux. Il se retrouve d'ailleurs nez à nez avec son fils zombifié qui l'agresse à la hache (une manie locale, visiblement). S'enfuyant, blessé, il tombe sur Josh et son amie, avant de prendre l'arme du jeune homme et, dans un grand moment pathétique (larmes, coulez !), d'achever son fils qui, de toute façon, n'aurait pas pu reprend une scolarisation normale dans son état. Quoique... Vu les manières plutôt agressives de certains écoliers américains, cela aurait pu passer inaperçu.

Les trois justiciers pénètrent dans le repaire du mal. A peine sont-ils entrés que Josh est irrésistiblement avalé par une porte ouverte d'où sort une lumière aveuglante. On le revoit ensuite dans la pièce des rituels (sans lumière particulière), où il vient d'être enchaîné par Z'Dar. L'avocat et la copine prennent la décision très intelligente de se séparer, et le premier entre dans le fameux temple, mais est aussitôt assommé par le shérif. Voulant probablement montrer au spectateur qu'il n'est pas un méchant à la petite semaine et que lui aussi possède des super-pouvoirs, Reed Weller prend le contrôle mental de l'avocat et lui fait abattre le shérif éberlué. Visiblement, ça continuer à CDLSser au galop. La jeune Teri va-t-elle être sacrifiée ? Non, car la copine, qui avait enfin trouvé son chemin, surgit et abat le sataniste. Teri et Josh sont délivrés, et Weller, encore vivant, est traîné sur le pentacle - pourquoi ? CDLS, que j'vous dis ! Satan ne semble vraiment pas content de l'échec de son poullain, puisque la maison se met à méchamment trembler. Les quatre survivants ont à peine le temps de quitter les lieux et de s'éloigner que la bâtisse explose dans un grand geyser pyrotechnique (ben oui, quand l'enfer se fâche, ça éclate dans tous les sens, cherchez pas à comprendre, le réalisateur devait avoir un budget pour les explosifs).

Mais où est passé notre ami le collecteur ? Pourquoi ne défendait-il pas son maître vénéré ? Dans le clin d'oeil final (comme, en l'absence de monstre, il ne peut y avoir de dernière image montrant un oeuf en train d'éclore ou un bébé quelqconque), nous assistons, dans une sorte de caverne décorée de façon encore plus destroy que l'antre de Weller, au rituel démoniaque du collecteur, qui semble avoir repris à son compte la petite entreprise « Sacrifices, incantations et compagnie » de son ex-employeur. Ses dernières paroles sont d'ailleurs : « Ce pouvoir est le mien ! » Notre tueur se serait-il émancipé ? Aurait-il adhéré au syndicat indépendant des bogeymen ? Non, décidemment, les traditions se perdent. Même les serial-killers ne sont plus comme avant...

D'accord, c'est de la série B ultra-fauchée, mais qu'est-ce qu'elle repompe sur ses petits camarades ! Elle s'inscrit d'abord dans le grand courant des films d'horreur se déroulant en pleine Amérique profonde, et plus précisément du satanisme rural, illustré de nombreuses fois, depuis « Course contre la mort » jusqu'aux différents « Children of the Corn ». Elle emprunte également à « Massacre à la tronçonneuse », notamment pour la scène du meurtre à la hache dans la maison, et à la série des « Freddy » pour toutes les scènes prétendument oniriques où Teri est terrorisée, dans sa chambre ou à la télé. Plus généralement, le collecteur - aux pouvoirs mal définis - renvoie à tous les grands bogeymen de l'écran, de Leatherface à Jason en passant par l'antique Creeper joué par Rondo Hatton.
A côté de cela, les rares idées intéressantes demeurent peu ou pas exploitées . Ainsi, le fait que le village soit à la solde de Weller parce que tous ses habitants lui sont redevables d'une quelconque aide aurait pu déboucher sur une conspiration locale et une participation plus ou moins active des villageois - dont la plupart semblent, bizarrement, ignorer les exactions de leur « bienfaiteur ». Non, ici, seul le shérif reste à la botte du sacrificateur. M'enfin, on ne va pas chercher à analyser davantage un scénario plus troué qu'un chalut pour la pêche au thon, non ?
Restent les bons vieux William Smith et Robert Z'Dar... Le premier, onctueux et cruel, charismatique et inquiétant, est comme d'habitude fort convaincant dans ses rôles de pourris finis. Z'Dar, lui, finit comme toujours par se faire buter (y a-t-il des films où il en réchappe ?)

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