Prison of the Dead

Genre : massacre d'abrutis par des bourreaux-zombies

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Un p'tit film de zombie, c'est comme un apéro accompagné de tapas, d'après moi, ça ne se refuse jamais. Ben si, la preuve...

Le « travail cinématographique » - enfin, les bouzins qui souillent l'écran, si vous préférez - du sieur Dave DeCoteau m'inspire ordinairement assez peu d'estime, et encore j'euphémise ici à fond les manettes. Ce n'est pas la daube carcéralo-zombiesque suivante qui va améliorer son standing :

PRISON OF THE DEAD (2000)

Nous allons gazer sur le début. D'abord, parce qu'il faut bien que je vous l'avoue, je ne l'ai pas vu, et que ce que je vais vous raconter est de seconde main ; ensuite parce qu'il n'a strictement aucun intérêt et qu'on peut très bien s'en passer (du reste du film aussi, d'ailleurs).

Bon. Une poignée d'amis - de beaux gosses et de jolies filles d'une vingtaine d'années - est conviée dans un lieu sinistre (une antique prison) pour assister aux funérailles d'un de leurs copains, Calvin. En fait, Kristof, l'organisateur de cette petite réunion, a choisi cette cérémonie comme prétexte à les réunir, car Calvin n'est pas mort (quel soulagement !) Parfait fils à papa puant, Kristof a rassemblé ce qui formait jadis un club d'amateurs d'occulte pour passer la nuit dans ce lieu que l'on dit hanté : cette prison (sorte de vieux château médiéval, plutôt inattendu en Amérique) servit de geôle, voici plusieurs siècles, à des sorcières, qui furent exécutées céans. Et comme son père, magnat de la presse, a lancé un concours autour de cette histoire, il veut lui prouver que l'endroit est réellement l'épicentre de phénomènes surnaturels.

Ce qu'il n'a pas dit à ses camarades, bien évidemment, c'est qu'il a engagé un trio de jeunes pour simuler les dits phénomènes et foutre une sainte frousse à tout le monde. La prochaine étape est inévitablement une séance spirite, dans laquelle il invoque l'esprit des trois bourreaux qui sévissaient à la prison.

Ben oui... On avait eu les nazis zombies, les belles-mères zombies, les chiens zombies, les prêtres zombies, les dindes congelées zombies, les réveille-matin zombies, alors, franchement, les bourreaux zombies, ça nous pendait au nez (et dans ce cas-là, il est conseillé de se moucher au plus vite dans les rideaux, vu la tronche de la morve). Donc, les trois bourreaux s'éveillent et sortent de leur lopin de terre sous lesquels ils étaient enterrés (à dix centimètres de profondeur, faudrait pas donner du mal aux figurants). Ils arborent l'apparence assez altière, avec cagoule et tenue noire, des morts-vivants templiers chers à Armando de Ossorio, avec peut-être une touche « cuir » supplémentaire (mais ils ne chantent pas du "Village People", je vous rassure tout de suite).

Hum... Faisons une parenthèse syndicale. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, sur le plan du contrat de travail, ils se sont méchamment fait entuber, les bourreaux, à leur époque. Non seulement ils ont dû hacher menu de l'hérétique et de la sorcière toute leur vie durant, mais ils doivent encore des heures sup non payées après leur mort ! Surtout quand on sait que, dans ce métier, il faut gravir tout un tas de paliers : garçon de bourreau, employé de bourreau, etc. Bon, d'accord, à notre époque la profession est sous-représentée, à part certains pays qui savent conserver les petits boulots traditionnels, style l'Afghanistan, toutefois, en leur temps, l'U.I.B.E.A.T. (Union Internationale des Bourreaux, Exécuteurs et Autres Tortionnaires), leur syndicat attitré, aurait dû gueuler un brin.

Et que vont-ils faire à votre avis, les méchants bourreaux, hein ? Débiter en rondelles tous les jeunots ? Non, comment vous avez deviné ? Il faut dire que les « djeuns » en question, que ce soient les occultistes ou les truqueurs, sont particulièrement antipathiques : idiots, égoïstes, drogués, vulgaires, obsédés et peureux. Ils répondent à merveille à la dénomination qu'aime leur appliquer le bon docteur Bis, « torchenaves » et « cagoles ». Et, à part la couleur de cheveu, il n'existe pas d'autre moyen de les distinguer. D'autant que les dialogues, fort envahissants, sont totalement imbuvables. Quand ils ne parlent pas de baiser ou de s'envoyer de la coke, ils se lamentent sur l'air de « Pourquoi je suis venu ? J'aurais pas dû venir ! Ah, si j'étais pas venu ! » Ces dialogues sont traduits - en version française, je n'ai pas compris toutes les subtilités de la version moldo-valaque - en outre en « Français moderne », c'est-à-dire en utilisant des mots aussi élégants que « kiff », « canon » et autres joyeusetés littéraires. Rajoutons à cela une scène presque sexuelle (on y parle beaucoup de s'envoyer en l'air mais on reste habillé et on ne fait pas grand chose) coincée entre deux sniffages de rails (on sniffe beaucoup, faut bien l'avouer).

Retournons à nos moutons, euh, à nos zombies. C'est là que le scénariste (mais si y'en a un !) a eu l'idée zombiesque la plus géniale depuis l'anthropophagie à cru du grand Romero. Il disposait de trois bourreaux (même si la plupart du temps seuls deux apparaissent, probablement par souci d'économie) qui, niveau mobilité et vitesse, pouvaient en remontrer à un escargot rhumatisant : même vivacité que les morts-vivants de Rollin et de Franco, si vous voyez le topo. Il a alors eu l'idée grandiose... d'immobiliser les victimes ! Si ! J'en pleure de stupéfaction... Voilà comment ça se déroule : l'esprit d'une sorcière exécutée, qui passait par là (l'a pas grand chose à faire d'autre dans le coin, il est vrai, la pauvre chérie), s'empare du vide - ne me forcez pas à dire qu'il y a un esprit dans leurs têtes, je le nierai farouchement - présent à l'intérieur du crâne d'un des jeunes (à condition qu'il soit à l'écart des autres), et celui-ci, tétanisé, commence à réciter une litanie en Latin, avant d'exiger, d'une voix impérieuse, qu'on lui massacre un tantinet la gueule. Aussitôt, deux bourreaux surgissent à ses côtés et satisfont ses désirs à grands coups d'arme blanche (mais hors champ, hein, ça évite les effets spéciaux et les maquillages) - de vrais trucs de bourreaux : serpe, masse d'arme.

Grande innovation, certes, mais qui réduit à néant le semblant de suspense qui doit s'instaurer quand un tueur s'attaque à sa victime : ici pas de course-poursuite, de résistance désespérée, de cachette vite découverte, d'attente angoissante, ce n'est plus qu'une boucherie totalement inintéressante. Bien vu les gars... Et ça continue comme ça pour quasiment toute la distribution : possession, immobilisation, Latin, exigence, bourreaux en stéréo, sarclage. Sur fond de coups de tonnerre et de lumières bleuâtres, car comment voulez-vous faire un film d'épouvante branché sans orage ni nuances bleues ?

Arrive le moment où Kristof est le seul survivant. Dans une pièce pleine de cercueils, il découvre que tous ses potes, un tantinet décédés, sont installés dans les dits catafalques. Décédés ? Peut-être, mais encore vifs, puisqu'ils se lèvent et l'agressent. Bizarrement, le charcutage des bourreaux n'a pas semblé altéré notablement leur intégrité physique, car les seules traces qu'ils portent sont des dégoulinements de sang - enfin, ça ressemble plutôt à du jus de cassis délavé, vu la couleur violette. Kristof se défend à grands coups d'une sorte de pieu, et à chaque fois qu'il en touche un, le jeunot-zombie vomit un liquide brunâtre. Feux ses copains, tout en luttant, lui promettent gentiment de l'emmener en enfer (viens chez moi, j'habite chez une démone). Les trois bourreaux se mettent de la partie et le rescapé, blessé, acculé (non, non, je ne redirai pas « à sec ») par la horde zombiesque, étalé par terre, est sur le point de se faire trucider à son tour, lorsqu'une espèce de lumière frappe ses adversaires, ce qui lui donne le temps de se sauver au dehors.

Une fois sorti de la bâtisse, il retrouve son propre chauffeur au portail, qui lui demande (le chauffeur, pas le portail), si tout s'est passé comme il le voulait. The End. Ca, c'est de la fin de la mort qui tue ou je ne m'y connais pas...

Vous l'avez compris, ce navet tente de surfer (il aurait dû prendre des cours avant, la planche ça ne s'improvise pas) sur la vague de la maison hantée où est enfermé un groupe de victimes potentielles - mode dont les représentants les plus connus sont "The Haunting", "House on Haunted Hill" et "Thirteen Ghosts". Le fait que le budget soit des plus rikiki n'excuse pas l'insignifiance et la profonde médiocrité du produit fini, nombre de réalisateurs européens ayant fait beaucoup mieux avec encore moins de brouzoufs. Il s'agit d'un « direct-to-video » - en l'occurrence plutôt un « direct-to-poubelle » - produit par Charles Band, dans le cadre de sa maison Full Moon, dont il constitue assurément un des plus beaux étrons. Les effets spéciaux sont minables, à l'instar des acteurs, tous plus irritants les uns que les autres - ai-je besoin de vous dire que "Prison of the Dead" est leur seule apparition à l'écran pour la quasi-totalité d'entre eux ?

Toutefois le pire réside dans le scénario, ou ce qui en tient lieu. Il a manifestement été rédigé sur du grillage à grosses mailles, ce qui explique la quasi-infinité des trous. On pourrait presque s'amuser à faire une liste des questions qu'il pose involontairement au spectateur hébété. Pourquoi les sorcières voudraient-elles à nouveau se faire exécuter post-mortem, alors qu'elles n'ont pas dû apprécier la chose de leur vivant ? Pourquoi les prétendus bourreaux sont-ils équipés d'armes aussi incongrues qu'une serpe - et encore, si l'un des nazes s'était prénommé Guy, j'aurais compris ? Comment les victimes-zombies peuvent-elles apparaître en un morceau après s'être fait hacher menu à la serpette et à la hache ? Pourquoi le personnage principal, de loin le plus antipathique de tous, arrive-t-il à s'en sortir alors qu'on lui a promis l'enfer pour pas cher et qu'il ne peut y échapper ? J'arrête là, j'y passerai la journée.

Au total : du presque gore, du presque sexe, du non-scénario, de la non-peur, des presque effets spéciaux, des presque acteurs, du faux tonnerre et de la véritable lumière bleue à gogo, de la vraie débilité pleine peau en série illimitée, de l'inintérêt franc et massif. Le seul atout de l'ensemble est sa courte durée, qui évite de prolonger les souffrances de l'infortuné spectateur. Non franchement, ça me gêne de te le dire, car je répugne à tenir un tel langage du fait de ma gentillesse naturelle : Dave, t'es un gros nullard !

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