Valley of the Zombies

Genre : c'est dur à Valley...

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Oh, encore des zombies, il exagère, allez-vous me dire ! Et une pleine vallée, en plus ! Euh... Au risque de vous décevoir, il n'y pas de vallée. Et guère plus de zombies, puisqu'il n'y en a qu'un. Qui plus est, il s'agit davantage d'un vampire que d'un zombie, cette dernière appellation étant due à son origine prétendument vaudoue.

"Valley of the zombies"... Sous ce titre, se cachait, croyais-je, une des comédies pseudo-horrifiques du Poverty Row interprétées dans un second rôle par Mantan Moreland - un acteur noir jouant à une époque où, pour avoir un rôle excédant quelques secondes, un comédien de sa couleur devait jouer les domestiques pusillanimes roulant des yeux effrayés et poussant des cris d'orfraie toutes les trente secondes (comme Willie Best). Eh non, je n'avais pas sous les yeux "King of the Zombies", "Revenge of the Zombies" ou même "Zombies of Broadway".

Par contre, le zombie est interprété par Ian Keith dans un de ses rares apparitions fantastiques. Cet acteur est devenu célèbre... pour un film auquel il n'a pas participé. En effet, son nom avait été retenu pour jouer le rôle-titre du "Dracula" de Tod Browning, mais, comme chacun sait, Bela Lugosi le supplanta. Aussi sa carrière n'eut pas l'essor espéré, et ne se « fourvoya » pas non plus dans notre Fantastique fétiche.

Trêve de billevesées, pénétrons enfin dans la :

VALLEY OF THE ZOMBIES

Tout commence un soir dans le cabinet du docteur Maynard, un médecin de renom. Le brave homme se plaint à ses trois assistants - Terrence dit "Terry" le docteur, Susan l'infirmière et Fred l'aide - que ses stocks de sang ont été soulagés de plusieurs pintes. (Aparté : je ne comprendrai d'ailleurs jamais quelle est la spécialité de Maynard, car s'il apparaît comme psychiatre à certains indices ultérieurs, d'autres preuves - comme le labo et la présence de sang - laissent à penser qu'il exerce une profession plus « manuelle ». Donc on va dire qu'il est chirurgien du cerveau, et basta).

Sur ce, le trio le quitte et il reste seul, à vaquer à d'obscures tâches. Tout à coup la porte s'ouvre sur une silhouette sinistre : un homme grand et mince se tient dans l'encadrement, vêtu d'une longue cape et d'un chapeau mou tout noirs. De plus près, l'individu n'est guère séduisant : son visage buriné est éclairé par un regard perçant et cet air de sénilité maléfique qu'arborait Lionel Barrymore dans ses rôles de « méchants ». Comme le docteur ne le reconnaît pas (il doit vraiment être bouché à l'émeri pour ne pas se souvenir d'une gueule pareille), il se dirige vers le classeur et en extrait sa propre fiche, qu'il remet à son interlocuteur.

Maynard a un haut le corps. L'homme serait Ormond Murks, ex-croque-mort (il en a bien l'apparence), un fou dangereux qu'il a fait jadis enfermer dans un asile, et qui est mort quatre ans plus tôt suite à une opération à laquelle il avait participé ! Murks, ricanant de plaisir, se gausse de son incrédulité et lui déclare que, grâce aux pratiques vaudoues, il a pu revenir à la vie, par le biais d'une potion et de quelques incantations (on ne saura jamais qui lui a administré le traitement, car en tant que cadavre il n'a guère pu avoir l'occasion de le faire lui-même). Il a ainsi pénétré dans le monde des morts-vivants, qu'il appelle "la vallée des zombies" (personnellement, je préfère d'autres coins plus ensoleillés pour mes vacances). Seul inconvénient : il est obligé de boire régulièrement du sang, de son propre type, pour se maintenir en vie, et en exige auprès de Maynard. Comme ce dernier lui avoue qu'il n'en a plus, Murks lui affirme tout crûment qu'il va se servir lui-même et que le docteur en fera les frais... La scène s'interrompt au moment où le fou étrangle sa victime.

Dans la foulée, nous retrouvons Murks dans le laboratoire. Il y surprend Fred qui était en train de voler du sang dans le réfrigérateur. Nous apprenons alors que Fred est le propre frère de Murks, et que depuis plusieurs années il se sacrifie pour l'aider et lui procurer du sang. Comme il n'avait pu déjouer la surveillance de Maynard ces jours derniers, il n'avait pu voler plus tôt une bouteille, ce qui a provoqué l'intervention d'Ormond. Quand Fred s'aperçoit que le docteur a été tué, il s'indigne et menace d'avertir la police. Joignant le geste à la parole, il s'empare du téléphone... et devinez ce qui lui arrive ?

Nous nous retrouvons dans un cimetière. Un homme (Murks) essaie d'enterrer un cadavre, mais est découvert, aussi s'enfuit-il avec précipitation, abandonnant son "colis". La police identifie la victime : le célèbre docteur Maynard. On pourrait croire que l'on va nous annoncer que le corps a été vidé de son sang : non, on nous dit qu'il a été... embaumé ! Les flics se ruent alors à son cabinet : ils y trouvent Terry et Susan, qu'ils se mettent aussitôt à questionner. Les deux jeunes gens passent bientôt au rang de principaux suspects quand l'infirmière ouvre le frigo et qu'en tombe le cadavre de Fred, lui aussi embaumé !

De par mon expérience limitée des pratiques mortuaires, j'avais toujours cru qu'un embaumement demandait du temps et un équipement spécial. Louons Murks d'avoir inventé l'embaumement-minute, réalisé vite fait sur le gaz sur un coin de table. Mais regrettons aussi ce douloureux exemple de déformation, que dis-je, d'obsession professionnelle, qui pousse un trop consciencieux employé des pompes funèbres, qui plus est mort et zombifié, à poursuivre inlassablement sa tâche thanato-esthétique.

Revenons aux deux tourtereaux, devenus proies idéales pour les forces de l'ordre. L'interrogatoire acharné mené par les flics (qui comptent ici parmi les plus bornés et abrutis étant jamais apparus sur un écran) au commissariat n'émeut pas plus que ça les deux jeunes gens. Susan répond avec esprit (il lui en faut bien pour compenser l'absence de celui de ses interlocuteurs) et nonchalance aux questions, tandis que Terry semble carrément mort de rire. Drôle de comportement quand son patron vient de mourir. D'autant que le chauffeur de taxi ayant conduit le profanateur de sépulture au cimetière est lui aussi retrouvé mort et embaumé - décidément, si Murks embaume, il ne sent pas la rose pour autant. Ce dernier fait convainc le chef de la police (moins abruti que ses subordonnés) de les relâcher, ne serait-ce que pour les suivre, dans l'espoir d'une éventuelle piste.

Susan et Terry retournent donc au cabinet, et bavardent dans le bureau de feu Maynard. Terry, voulant téléphoner, s'aperçoit que le fil du téléphone a été arraché, ce dont il conclut très finement qu'il y a eu lutte. Susan retrouve quant à elle la fiche de Murks, que celui-ci avait paresseusement laissé traîner.

De cette scène deux conclusions sont à tirer. Primo, les policiers menant l'enquête sont vraiment d'une insondable stupidité pour ne pas s'être donné la peine de fouiller le cabinet et avoir omis de tels indices. Secundo, Murks, coupable de telles négligences, est en droit de gagner le Darwin Award du criminel le plus crétin dont les actes ont entraîné la perte.

Autre négligence notable : Susan est sur le point de ranger la fiche, car y est mentionnée la mort du sujet, quand elle s'aperçoit que le lieu d'inhumation n'est autre que le cimetière où a été retrouvé Maynard. Notre zombie est décidément un parfait imbécile : il a choisi de se débarrasser d'une de ses victimes dans « son propre » cimetière ! Et on peut se demander à quoi cela lui aurait servi d'enterrer Maynard discrètement, alors qu'il a laissé son propre frère bien en vue dans un frigo. Tout comme il a bien mis en évidence le cadavre du chauffeur de taxi. Vous me direz, il est fou. D'accord. En plus, vu le niveau intellectuel des deux détectives amateurs, il fallait leur donner des indices relativement conséquents.

Voilà donc notre couple en route pour la demeure familiale des Murks, dont ils se sont procuré l'adresse. En chemin, sur l'autoradio, ils entendent que le docteur Garland a disparu ; or ce médecin n'est autre que celui qui a pratiqué l'opération fatale, quatre plus tôt, sur Murks, en compagnie de Maynard. Après des dialogues soi-disant comiques façon « screwball comedy », les deux jeunes gens s'arrêtent dans une station d'essence et interrogent un homme qui est couché à plat ventre sous une voiture pour la réparer. Evidemment, une fois les tourtereaux éloignés, l'individu se relève : il s'agit de Murks ! Il les suit de loin, l'air plus malfaisant que jamais. (On apprendra plus tard que le propriétaire de la station service a été lui aussi victime de l'embaumement-minute).

Le ton était donc à la comédie et cette impression se précise. Nous passons maintenant à la parodie de films de maisons hantées. En parcourant le parc, Terry tombe bêtement dans un trou (une tombe ?), puis Susan est effrayée par une vache qui broutait dans un fourré - ne me demandez pas ce que fout la vache dans un parc censé être abandonné, nous l'ignorerons à jamais. Si l'animal avait été une vache-vampire, voire une vache-zombie, le scénario en aurait été agréablement pimenté, mais non, le ruminant rumine paisiblement (le spectateur commence lui aussi à ruminer, voire à se les brouter) et nous le reverrons plus du tout - dommage, il était meilleur acteur que la quasi-totalité de la distribution.

Nos héros pénètrent dans la crypte familiale des Murks et, farfouillant, découvrent que le caveau où devrait reposer Ormond est vide. Soudain, la porte se referme. Terry, s'aidant d'un grand chandelier, défonce la porte et tous deux retrouvent l'air frais. (Quel est l'intérêt de la fermeture de cette porte ? Aucun...) Ils se décident alors d'inspecter la maison non loin de là. Au seuil, juste avant qu'ils entrent, se déroule alors la sempiternelle scène habituelle aux maisons hantées depuis les différentes adaptations de "The Cat and the Canary" : une main menaçante s'approche par derrière du cou de l'héroïne, et se retire brusquement au dernier moment. Et ce à deux reprises. Ç'aurait été dommage d'y échapper.

A l'intérieur, dans la salle, ils remarquent tout de suite un corps étendu : celui, embaumé bien sûr, du docteur Garland, le disparu. Soudain, Murks apparaît à la porte. Ce gland avait eu toutes les opportunités de les surprendre, mais non, il surgit comme ça, désarmé, sans aucun espoir de les attaquer par surprise. Aussi, quand Terry se rue en avant pour l'attraper, il détale vite dehors. Cependant, le jeune homme, pas très doué non plus, se vautre au pied des marches et perd sa trace. Pourtant Susan et lui voient quelque chose remuer dans les taillis : armés d'un gourdin de fortune, ils assomment l'homme... qui se révèle être un des policiers ! Arrive alors leur inspecteur favori, accompagné d'un flic en uniforme, qui les arrête aussitôt : voies de fait sur un représentant de la loi, et suspects du meurtre du propriétaire de la station-service près de laquelle ils ont laissé leur voiture.

Tout ce petit monde rentre à l'intérieur de la maison, Terry voulant montrer le cadavre de Garland. Hélas pour lui, le corps a disparu. Obstiné, il maintient que le coupable est Murks, et veut montrer son caveau vide. Pendant qu'il emmène l'inspecteur et son adjoint à la crypte, le flic en uniforme reste avec Susan, qu'il attache avec des menottes à un meuble. Dans le cercueil du croque-mort zombie, ils constatent la présence de... Garland ! Les policiers commencent à croire la version de Terry. Mais quand ils reviennent à la maison, ils retrouvent le flic assommé et Susan disparue ! En effet, pendant ce temps, Murks, caché derrière une tenture, en a profité pour matraquer l'agent et s'emparer de la jeune fille. Il n'a pas dû avoir assez avoir assez de temps pour son embaumement-minute, sinon le cogne y aurait eu droit. Nos justiciers entendent une voiture démarrer, et n'ont que le temps de la suivre à bord de la leur.

Ils la retrouvent l'auto près de l'immeuble qui abrite le cabinet du docteur Maynard et montent jusqu'à l'étage adéquat. Pénétrant dans le laboratoire, ils ont la surprise de découvrir Murks allongé sur la table d'auscultation, et Susan qui lui fait une transfusion sanguine ! Pire encore, la jeune fille les menace d'un pistolet, et son ravisseur et elle s'enfuit par l'escalier de secours. Dans l'échange de coups de feu qui s'ensuit, un des policiers est abattu. Terry emprunte l'escalier de service et retrouve le couple en fuite sur le toit. Sous la menace du revolver de Murks, il est obligé de donner son arme à Susan. Le croque-mort vampire lui annonce, toujours ricanant, qu'il a hypnotisé l'infirmière et qu'elle est en son pouvoir (décidément, il regorge de talents de société, l'embaumeur). Pour en donner la preuve, il ordonne à Susan d'abattre le jeune médecin.

Va-t-elle le faire ? Non, car l'inspecteur (qui a toujours un train de retard mais qui a fini par arriver) surgit à son tour et fait feu sur Murks qui, tout zombie qu'il soit, avale une seconde fois son bulletin de naissance et défunte cette fois-ci définitivement. Susan, libérée de son emprise, se réfugie dans les bras du beau Terry.

Fin. (Ouf !)

"Valley of the Zombies" constitue un exemple, parmi les moins réussis, de ce que pouvaient donner les films d'épouvante du Poverty Row, sans budget, sans grande imagination et quelquefois sans acteur valable. La firme Republic produisit à l'époque bon nombre de séries B et de serials - relevant de tous les genres - d'une qualité très variable, mais dont certains laissèrent de fort bonnes impressions parmi les amateurs, tels "Undersea Kingdom" ou "Daredevils of the Red Circle".

L'attraction du film est bien sûr Ian Keith qui, visiblement, restait nostalgique du grand rôle qu'il avait raté. Aussi tente-t-il d'imiter son modèle lugosien : silhouette sinistre, regard de braise, malignité de l'expression, humour cynique. Manque de chance, Keith ne possédait pas le charisme de Bela. Il évoque plus ici un croque-mort (ça tombe bien) ou un percepteur qu'un vampire. Mais son réel talent, même mineur, le place à cent coudées au-dessus du reste de ses collègues, à l'exception peut-être de la charmante Adrian Booth et de la vache précitée. Les policiers sont particulièrement catastrophiques, tout comme le héros, le westerner Robert Livingston, pas franchement doué pour la comédie. Il faut dire qu'ils ne sont pas aidés du tout par leurs rôles, caricaturaux et à prétention "humoristique". D'ailleurs la distribution, à l'instar de la réalisation (complètement statique) et de l'image (assez claire toutefois), se situe au niveau des serials d'entrée de gamme de l'époque, c'est-à-dire au niveau de pas grand chose. Seul le rythme, assez rapide, empêche le spectateur de lâcher prise.

Cependant le vrai point noir de ce moyen métrage demeure le scénario, proprement effroyable. On comprend mal pourquoi le vampirisme est expliqué par le vaudou, d'autant que le décorum exotique propre à cette religion n'est pas du tout utilisé (quel gâchis). On reste également éberlué par le comportement de tous les protagonistes, depuis le zombie qui accumule les preuves contre lui jusqu'aux policiers qui font leur maximum pour ne pas voir les dites preuves, en passant par le couple de héros qui agit souvent à contretemps. La pratique de l'embaumement s'avère également étonnante (sans même parler de sa rapidité) : on pourrait croire qu'embaumer le docteur Maynard sert à cacher le fait qu'il a été saigné à blanc, mais pourquoi alors embaumer les autres victimes, qui ne pouvaient toutes être du même type sanguin que Murks ?

Et que dire de cette idée idiote de passer sans arrêt de l'épouvante pure et dure (toutes les apparitions de Ian Keith) à la comédie parodique (la plupart des scènes incluant les héros et les policiers) ! Le peu d'angoisse distillé par les efforts méritoires de Keith est ainsi régulièrement annihilé par des gags insignifiants.

Non franchement, du zombie kitsch sans un poil de gore ni gri-gri vaudous, ça ne vaut pas tripette...

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