L'homme à la tête coupée

Genre : polar étrange ŕ fort taux d'amputation

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Le titre espagnol signifie «Les Rats ne dorment pas la nuit», l'américain «Cramoisi». Deux titres parfaitement débiles et inadaptés. Pour une fois, le titre français convient nettement mieux, même si le personnage de son intitulé n'est pas, loin de là, le principal protagoniste (avec la tête en moins, il aurait eu du mal, convenez-en).

Tout commence par un banal casse dans une bijouterie. Jack Surnett (Jacinto Molina, alias Paul Naschy, alias habituellement le loup-garou à poils longs) est occupé à forcer le coffre, tandis qu'un pas beau rouquin à lunettes, moustaches et rouflaquettes fait le guet. Le dit pas beau, Karl (Victor Israel et sa tronche de faux-cul cabossée), ne s'avère pas plsu intelligent, car il profite du fait que personne ne le regarde pour piquer un collier de perles dans une vitrine. Pas de bol, le collier était relié à un système d'alarme indépendant, et une sirène se met à hululer méchamment. Les deux casseurs... se cassent (normal), avec leurs deux autres complices, Henri (Olivier Mathot) et Paul, dans une belle DS. Mais les gendarmes, moins cons qu'on veut bien les présenter d'ordinaire, sont sur leurs traces (on peut se demander comment, mais ce n'est pas le problème) et tendent quelques barrages. Oui oui, nous sommes en France, comme le prouvent les voitures employées et le panneau « halte gendarmerie » fièrement dressé sur la route. Et paf, la DS va justement donner du pare-choc contre un de ces barrages. Un prompt demi-tour est effectué, mais les porteurs de képis ont le temps de lâcher quelques rafales de mitraillettes sur les fuyards. Une balle perdue (pas pour tout le monde) atteint Surnett en pleine tête. « Que dolor, mi cabeza » pourrait-il dire si les efforts conjugués de la douleur et de la post-production ne le lui interdisaient pas. Le quatuor réussit à se réfugier dans une vieille maison et à cacher la chignole. Le chef étant gravement blessé, Karl est envoyé chercher le docteur Riderre, médecin habituel des malfrats. Karl le trouve ivre mort ; il essaie de le réveiller en lui balançant le contenu d'un vase en pleine poire, mais l'eau s'est évaporée depuis longtemps (ouarf ouarf !) et les fleurs fanées ne font aucun effet. Un petit plongeon tête la première dans le lavabo, et le doc revient un peu parmi les vivants, ce qui suffit au gangster pour le ramener chez ses amis. Là, le diagnostic est pessimiste : Surnett est foutu s'il n'est pas conduit dans un hôpital. Henri, son bras droit, refuse. Le doc propose alors de le mener chez un de ses amis, un chirurgien génial qui fait des expériences sur le cerveau (chacun son hobby). Pendant ce temps, Ingrid, la blonde autant qu'éplorée amie du blessé, est venue le veiller. Surnett est conduit chez le docteur Teets, dans un château, en compagnie de Riderre, par les trois complices. Le savant, heureux de revoir son camarade, fait franchement la tête (normal, vous le verrez plus loin) quand on lui demande de sauver le criminel. D'autant que ses mains sont inutilisables depuis un accident de laboratoire, et que c'est sa femme Anna qui doit opérer à sa place ; or sa tendre épouse ne veut pas aider un hors-la-loi. Henri résout le problème en kidnappant la fillette du couple et en la confiant à Ingrid. Les parents sont bien obligés de s'exécuter. Mais Teets impose une condition : on doit lui fournir un cerveau frais pour qu'il puisse réparer celui, endommagé, de Surnett. Sa technique est simple : imaginez que la cervelle est un gros bloc de foie gras et qu'un des lobes soit malheureusement abimé et absolument pas apte à être servi sur une table qui se respecte. Eh bien, tout ce que vous avez à faire, c'est de trouver un autre foie gras, de découper le morceau du lobe qui vous manque et de le mettre sur le premier que vous aurez préalablement amputé. Simple la chirurgie, non ?

Bon. Reste à trouver un donneur. Riderre consulte son carnet et découvre qu'un de ses précédents patients possède un groupe sanguin compatible avec celui de Surnett. Seul problème : le gars porte le doux surnom de Sadique, l'ennemi intime de Surnett en personne, et ancien petit ami d'Ingrid. Paul et Karl vont donc rôder près de la boîte de nuit qui appartient au gangster, et Ingrid se charge de l'aguicher en lui annonçant qu'elle veut se séparer de Surnett. Le couple une fois à l'écart (prémices à un furtif de porte cochère interrompu), Paul abat l'homme à l'aide d'un pistolet muni d'un silencieux, et le cadavre est emmené en voiture.

Là se situe quelques scènes presque dignes de la « septième compagnie » chère à Robert Lamoureux. Les deux malfrats ont pour mission de ramener la tête, non d'Alfredo Garcia, mais du Sadique. Comment faire ? Il s'arrêtent près d'un cimetière et tergiversent, Karl refusant de faire le boulot et Paul étant bien embêté avec son simple couteau. Bien près d'être surpris, les deux hommes repartent précipitamment avec leur colis. En route, ils ont une idée : une voie ferrée est proche. Ils stoppent à nouveau, déposent le corps en travers de la voie et n'ont plus qu'à attendre. Au bout de quelques minutes, la tête dévalent le talus vers eux ! Les inventeurs de la chirurgie ferroviaire ! Ils laissent le restant du Sadique sur place et emportent la tête qu'ils remettent au professeur, qui opère immédiatement.

Le lendemain, le corps décapité a été inévitablement retrouvé. Henri et ses amis sont fort amusés lorsqu'ils lisent les journaux, et ils ont même une idée de cadeau, tout en faisant un certain nombre de jeux de mots sur le fait de « perdre la tête ». Par contre, dans le gang du sadique, on fait grise mine, surtout sa maîtresse Barbara et son bras droit Willy. Tous deux se demande si le cadavre retrouvé ne serait pas celui de leur chef lorsqu'ils recoivent un paquet-cadeau... contenant la tête, ou ce qui en reste. Ils ne restent pas pour autant inactif et pensent tout au suite à la culpabilité de Surnett. Ils rendent dans sa cachette et trouvent la DS criblée de balles et tachée de sang. Sachant que le docteur favori du milieu est Riderre, ils vont chez lui et commencent à la tabasser, en vain. Mais Ingrid survient et est à son tour torturée sauvagement par Barbara, ce qui force le doc à parler. Au château, Teets a parfaitement réussi son opération et Surnett se repose dans une chambre. La sonnette de la porte retentit, et Henri recueille à la porte le pauvre Riderre, dans un état déplorable. Le doc n'a que le temps de leur raconter sa mésaventure avant de mourir. Pendant que Paul monte la garde, Karl et Henri vont enterrer le corps dans le parc mais, au cours du travail, Karl laisse tomber le collier - faux ! - qu'il a laissé tomber lors du cambriolage, et Henri, de rage, est bien près de le tuer. A l'intérieur, Surnett, le crâne enserré dans une élégante cagoule chirurgicale, se plaint d'effroyables maux de tête et assure « qu'il n'est plus lui-même ». Il finit par comprendre qu'une partie de l'esprit du Sadique est passé en lui.

Peu de temps après, Karl découvre le corps de Paul, pendu dans le corps. Pendant que tout le monde est occupé, Barbara pénètre à l'intérieur du château pour se venger de Surnett. Elle trouve sa chambre et tente de le tuer ; son adversaire la désarme et la convainc qu'il abrite une « partie » du Sadique. Une partie de jambes en l'air s'ensuit, terminée par une séance de strangulation... Henri, comprenant que son ami est devenu fou après qu'il ait coursé dans le parc une jeune livreuse de journaux (dans une version modernisée de l'éternelle course du satyre après une jouvencelle), préfère l'abandonner à son sort et part avec Karl. Mais les hommes de Willy font feu sur la fourgonnette. Henri est tué et Karl s'échappe, tuant tous ses ennemis sauf un. Il se réfugie au château et s'enferme dans l'ex-chambre de Surnett. Alors qu'il pousse l'armoire pour bloquer la porte, le meuble s'ouvre et le cadavre de Barbara en tombe. De saisissement, il recule jusqu'à la fenêtre où il prend une rafale de mitraillette envoyée par le survivant.

Dans le laboratoire, Teets tente de soigner Surnett, contre l'avis de sa femme qui préférerait l'achever. Alors qu'il est seul avec Anna, le fou tente de la violenter mais est grièvement blessé par sa victime. Agonisant, il revient dans le hall du château, ramasse un revolver et sort. Il est alors truffé de plombs par la gendarmerie qui arrive justement à ce moment...

Ce film franco-espagnol n'est pas aussi « bis » que l'on aurait pu s'y attendre : peu de gore et pas un poil de cul (si vous me permettez l'expression) - mais il y eut, paraît-il, une version avec des rajouts de scènes X. Presque plus que de l'horreur, il relève du polar, et nous fait revivre le temps des gangsters à l'ancienne, avec des malfrats en costar-cravate et des aguicheuses péroxydées. L'aspect nostalgique est exacerbé par les présences de DS et de fourgonnettes Citroën. Ainsi que par les trognes des acteurs, Victor Israel en tête (de con). Un peu inattendu.

D'autant que Paul Naschy, spécialiste des monstres, n'est guère mis à l'honneur (ni à l'horreur) : on ne le voit guère que dans la seconde partie, la tête serrée dans une cagoule blanche et son torse puissant dans un maillot noir moulant. Tel quel, il évoque plutôt un ooeuf dur posé sur un coquetier d'ébène !

A l'arrivée, une petite série B pas désagréable du tout, qui joue plus sur la nostalgie que sur l'effet-choc.

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