Yongary, Monster from the Deep

Genre : piétinage de maquettes en costume caoutchouc

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Ca ressemble à une japoniaiserie, ça casse les maquettes comme une japoniaiserie, ça beugle comme une japoniaiserie... mais ça vient de Corée ! C'est en effet la réponse coréenne au Godzilla nippon, et ça y ressemble fortement. Seule différente notable, la vie quotidienne en Corée semblait, à l'époque, nettement plus américanisée.
Tout commence par quelques événements passionnants : un couple de jeunes mariés part en voyage de noces, mais le mari est vite rappelé par son scientifique d'employeur pour aller baguenauder dans l'espace à bord d'une fusée. Quelques instants d'angoisse car la base ne reçoit plus de messages radio de l'engin, puis heureusement la fusée revient triomphalement. Retenez bien ces quelques scènes, car elles n'auront strictement plus aucune incidence sur ce qui va suivre.
Tu ris, Corée ? Eh bien tu as tort, car ton territoire est bientôt agité par un tremblement de terre... Ce séisme est-il naturel ? La vieille légende de Yongary, le monstre qui vit sous la terre et fait trembler la terre, ressurgit dans les esprits. Et ces esprits ont tapé dans le mille (des esprits frappeurs, donc), car la source de ces maux est effectivement un immense reptile qui s'extrait péniblement du sol, avec le fracas que vous imaginez. La bestiole ressemble à un trucosaure, mâtiné d'un peu de bidulosaure... Quoi, il a un faux air de machinosaure ? Oui, possible. Bon disons qu'il ressemble à un tyrannosaure muni d'une corne nasale (le pauvre vieux, si on lui fait porter les cornes) et de gros yeux jaunes (hépatique, en plus ?), et nous en resterons là. J'ignore si son hépatite ou l'infidélité de Mme Yongary l'énerve, mais le voilà qui pousse de gros beuglements et qui s'en va détruire la première maquette de ville qui lui tombe sous les griffes. Et comme en plus il crache de longues flammes, les dégâts sont vite considérables. D'autant qu'en plus de son talent d'incendiaire, sa corne est capable de lancer un rayon laser. Bien équipé, le gars.

Evidemment, l'armée rapplique, commence à lui balancer tous les obus qu'elle a minutieusement stockés... et échoue lamentablement. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les reptiles bipèdes géants essaient systématiquement d'enfiler les chars d'assaut à leurs pattes comme des pantoufles, et, immanquablement, ça ne marche pas (pas la bonne pointure, sans doute). Le bestiau continue donc à raser avec application tous les immeubles de la ville (d'où son surnom de Yongary coupeur). Les militaires, dont la subtilité n'est plus à démontrer, lui envoient des missiles dans les gencives et exultent en voyant les explosions (ça ressemble plus à des feux d'artifices fumigènes, mais on ne va pas leur gâcher leur joie, à ces braves gens). Rien à faire, le reptile est toujours vivant.

Toutefois, Icho, un gosse de huit ans, est allé étudier de près le comportement de Yongary, qui a élu domicile près d'une raffinerie. Il l'a vu boire directement du pétrole et de l'essence dans d'immenses cuves (de loin, on aurait dit qu'il faisait les poubelles). Pendant que Big Y se torche aux hydrocarbures, Icho lui fait un sale coup : il ferme l'approvisionnement, et l'animal manifeste bruyamment son opposition (je parle assez mal le Yongary, mais il doit gueuler quelque chose comme «patron, une autre tournée !»). Un peu plus tard, le gamin assiste à une scène assez extraordinaire : Yongary danse le rock (même pas sur le titre «Godzilla» du Blue Oÿster Cult) ! Certes, il n'a pas le déhanchement d'Elvis, toutefois son enthousiasme fait plaisir à voir. Icho revient chez lui et raconte ses découvertes au petit ami de sa frangine, un jeune scientifique promis au plus bel avenir. A partir de ces indications, le savant invente une sorte de poudre - l'équivalent de l'Oxygen Destroyer de «Godzilla». Nos héros se font donc prêter un hélicoptère et vont larguer leur poudre sur le museau de Yongary. Celui-ci, pas du tout doué pour descendre les engins en vol avec sa flamme bucale (il a déjà précédemment essayé sans succès), finit par s'écrouler. Les quatre fers en l'air, il remue un peu, puis s'immobilise à jamais...
Nous avons encore droit à cinq minutes de bavardage absolument sans intérêt au cours duquel les personnages se congratulent et Icho regrette qu'ils aient dû tuer la bêbête (du genre «il était pas si méchant que ça»), et voilà.

Dans l'ensemble, ce film n'est ni plus catastrophique, ni plus kitsch que les... euh ! cageots ? de cujus ? enfin, les longs métrages japonais à monstres caoutchoutés. Le seul ennui, c'est qu'il n'innove vraiment en rien, et se contente de reprendre le canevas de «Godzilla», en se gardant de prendre la moindre initiative. Pire encore, contrairement aux premiers opus de la série nippone, le suspense est presque rigoureusement absent, et le spectateur a grand mal à prendre au sérieux la menace de ce lézard en latex. Sauf quand il se met à imiter Bill Haley, alors là ça fout les foies...

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