Ghost Valley
Genre : ouais, c'est terne...
Fiche technique
- 1932, U.S.A., 54 minutes, noir & blanc.
- Réalisation : Fred Allen. Scénario : Adele S. Buffington.
- Interprétation : Tom Keene (Jerry Long), Myrna Kennedy (Jane Worth),
- Mitchell Harris (Judge J. Drake), Ted Adams (Gordon), Harry Bowen (Marty, le représentant), Harry Semels (Pawnee), Kate Campbell (Tante Susan), Billy Franey (Scrubby Watson) , George 'Gabby' Hayes (Dave, le cafetier), Jack Kirk (le forgeron), Tom London (Red, le cavalier masqué), Buck Moulton, Al Taylor, Slim Whitaker.
Revue : Marc Madouraud
Nous parlons rarement ici d'un genre fort estimable quoique, souvent, un peu répétitif : le western. Bonne occasion pour se rattraper, en étudiant un spécimen d'une espèce un peu spéciale, Ghost Valley.
L'histoire semble se dérouler au début des années 1930. En effet, si la plupart des protagonistes sont en tenue de cow-boy avec même le colt à la ceinture (certains ayant en outre un de ces hauts chapeaux ridicules à la William Hart), quelques moyens de transports (voiture automobile, bus) employés dénoncent sans équivoque leur époque. Ce qui contribue déjà à rendre à rendre ce western particulier.
L'intrigue ? Le vieux Long, auquel appartenait Boom City, ville fantôme désertée et de fâcheuse réputation, vient de décéder. Drake, le gestionnaire de ses biens, un juge corrompu, est acoquiné avec une bande de malfrats qui se cache dans la dite ville ; ces peu reluisants personnages se sont aperçu que la mine abandonnée, portion de l'héritage, recèle encore de l'or. Le juge et ses complices imaginent donc de convaincre les deux héritiers, les jeunes Jerry Long et Jane Worth, de lui vendre à bas prix leurs parts, quels qu'en soient les moyens. Drake a ainsi fait venir Jane, accompagnée de sa tante. Jerry, par contre, est resté introuvable. Le juge engage donc un jeune homme, qu'il trouve en prison pour cause de grivèlerie, en lui proposant mille dollars s'il accepte de tenir ce rôle et de convaincre la co-héritière de vendre sa part. Le délinquant accepte... en se gardant bien d'avouer qu'il est réellement Jerry Long, de retour au pays, et qui n'a plus vu Jane depuis leur tendre enfance.
Jerry, Jane et sa tante sont donc conduits jusqu'à Boom City, dans une grande maison inquiétante. Là, va commencer une série d'événements mystérieux, utilisant toutes les ficelles de l'épouvante : cavalier masqué venant menacer dans la nuit les nouveaux arrivants, mains kidnappeuses qui surgissent de panneaux secrets, musique d'orgue impromptue, ombres menaçantes sur le mur, couloirs de mines obscurs, etc. Même le fameux coup du chat ne manque pas à l'appel, la tante marchant sur la queue d'un greffier noir alors qu'elle arpent l'allée d'une église déserte.
Pendant que Jane tente de percer le mystère, au grand effroi de sa tantine, Jerry joue les poltrons et s'enferme dans sa chambre. En réalité, il s'habille en justicier masqué et chevauche dans la nuit à la recherche des malandrins. Il arrive à sauver ainsi Jane, enlevée par des cavaliers, mais la jeune fille, à la suite d'une méprise, croit que Jerry est le chef des bandits et accepte, par dépit, de signer le contrat de vente.
Traqué par ses ennemis, Jerry réalise tous les exploits attendus d'un héros de serial des années 20 : cache-cache dans les couloirs de mine, acrobaties sur une espèce de téléférique, cavalcades dans la pleine, voltige sur son cheval pour échapper aux balles, et finalement bagarre (saccadée et pas crédible du tout) contre le juge et son bras droit. La justice a gagné ! Les bandits sont tous arrêtés, et les deux jeunes gens peuvent filer le parfait amour. (Inventive, la fin, pas vrai ?)
Etrange film pour tous ceux qui, comme moi, ont été élevés aux canons d'Hollywood des années 50 et de Cinecitta des années 60. Il s'agit d'un mélange du western de série (voire de serial, au vu de la fin frénétique) et du thriller d'épouvante à quatre sous, avec un zeste de Zorro. Pas extraordinaire, mais original.
En fait Ghost Valley est un des pionniers d'un sous-genre oublié dénommé "weird western", où le western traditionnel se déroulait dans des décors plus propices aux films d'épouvante, telles des maisons hantées, des villes fantômes ou des mines abandonnées. On peut citer par exemple Mystery Ranch (1932) avec George O'Brien, Tombstone Canyon (1932) avec Ken Maynard (et Sheldon Lewis, le premier grand "vilain" du cinéma fantastique), The Desert Phantom (1936) avec Johnny Mack Brown, Border Phantom (1937) avec Tom Tyler, Riders of the Whistling Skull (1937) avec Ray 'Crash' Corrigan, Haunted Ranch (1943) avec Dusty King, Raiders of Ghost City (1944) avec Dennis Moore ou encore The Dead Don't Dream (1948) avec William Boyd en Hopalong Cassidy. Ce genre semble avoir été spécifique aux années 1930-1940, alors que les décennies suivantes donnèrent - très rarement - dans le western réellement fantastique, comme Curse of the Undead (1959). Les années 1930 produisirent également quelques westerns SF avec The Phantom Empire (1935) avec Gene Autry et Ghost Patrol (1936) avec Tim McCoy - curieux mariage qui se perpétua bien plus tard avec des films comme Welcome to Blood City (1977), Time Rider (1982) ou Retour vers le futur 3 (1990).
Le "weird western" fut probablement imaginé à suite du succès des polars à frissons dans le prolongement de l'adaptation par Paul Leni de The Cat and the Canary (1927), qui engendra par ailleurs toute une descendance purement policière telle The Bat Whispers (1930), avant d'être abondamment parodiée par Abbott et Costello, Jerry Lewis et Dean Martin ou bien d'autres comiques encore.
Ghost Valley proposait déjà des éléments parodiques : les personnages de la tante de Jane et du représentant de commerce qui devient l'ami du héros, tous deux couards achevés, apportent le contingent de sourires qui vient dérider un film par ailleurs assez sombre et « premier degré ». Enfin, parlons des acteurs : aucun n'est resté dans l'histoire, si ce n'est le pittoresque George Gabby Hayes, ici dans un rôle insignifiant. Par contre, le jeune héros, Tom Keene, devrait vous être connu. Il commença sa carrière en 1928 sous vrai nom, George Duryea, puis, dans course au vedettariat, se fit successivement appeler Tom Keene, Richard Powers et Dick Powers. Premier rôle dans les années 30 dans des séries B fauchées comme celle-ci, il fut relegué peu à peu, par la suite, au rang de second couteau jusqu'à son dernier film, en 1958. Toutefois, son avant-dernier film, la même année, et dernier rôle important, fut tout simplement... Plan 9 from Outer Space! Eh oui, le colonel, c'était lui ! Bizarre fin de carrière pour un serviteur obscur du western.