Doc Savage arrive
Genre : Indiana Bond du pauvre
Fiche technique
- Date : 1975
- Ausi titré THE MAN OF BRONZE et DOC SAVAGE - MAN OF BRONZE
- Réalisation : Michael Anderson
- Production : MGM. Prod. George Pal
Revue : Michel Pagel
Derrière une dune de neige, un drapeau américain qui flotte au bout d'un fanion se déplace très vite, tandis que retentit un bruit de moteur. Bientôt, la caméra nous révèle une moto dorée, à laquelle est accroché ledit drapeau. Le conducteur est un géant blond de belle allure, dont la prunelle droite a tendance à étinceler périodiquement, surtout quand il dévoile son sourire colgate. Pour savoir son nom, pas de problème : c'est écrit sur le réservoir de l'engin : Doc Savage, en fait une copie du logo des magazines. Pourtant, une voix-off qui ressemble à celle des commentateurs de bandes d'actualités d'autrefois, sans doute pour nous faire comprendre que l'action se situe dans les années 30, nous présente notre héros, ainsi que ses cinq compagnons, Ham, Johnny, Renny, Long Tom (juste Tom dans la vf) et Monk, plus son petit cochonnet Habeas Corpus, qu'on nous montre les uns après les autres en situation durant des séquences de quelques secondes, si bien qu'on a l'impression d'assister à une bande-annonce. Outre la voix-off, on entend aussi un choeur harmonieux façon Compagnons de la Chanson scander une allègre marche avec des paroles du type 'Doc Savage est fort est pur / Il va sauver le monde / Il combat pour le bon droit... Doc Savage ! Doc Savage !" (Il faut vraiment l'entendre pour le croire).
Doc Savage arrive, donc. C'est Ron Ely, le Tarzan de la série télé d'antan. Il aurait à peu près le physique du rôle, avec de faux airs de Charlton Heston, ce qui fait qu'on ne gueulerait pas si... mais n'anticipons pas.
Donc, on le voit se pointer dans sa célèbre Forteresse de la Solitude : un igloo, si, si, même que quand il appuie là où il faut, y a plein de glace qui s'effondre à l'extérieur et qu'un panneau secret s'ouvre (à partir de là, il n'est plus secret, vu qu'il y a un trou dans l'igloo, mais on s'en fout : c'est juste pour la présentation, on n'y reviendra plus). A l'intérieur, au-dessus de la porte, il y a un superbe panneau pyrogravé "Fortress of Solitude", des fois que Doc, un brin distrait ou bourré, ne se rappelle plus le nom de son antre). L'image d'après, on le voit faire du yoga en slip dans la neige. (Doc Savage ! Doc Savage ! ploum ploum ploum !)
Et puis enfin l'histoire commence : Doc rentre dans ses bureaux new yorkais où l'attendent les cinq autres. Il débarque tout sourire, pose sa valise, et c'est là qu'on comprend qu'au moins les post-synchroniseurs ont merdé. Car ce qu'il dit, c'est : "Vous zavez des zennuis. Z'ai pris le premier avion."
Eh oui, vous l'aurez compris, Doc Savage zozote ! Quand on l'entend déclarer "Ze suis Clark Savaze Zunior" ou "Zustement, Dzohnny, z'y ai pensé", on ne peut vraiment pas s'empêcher de se marrer, et ça casse un peu le charisme du personnage, quoi.
Bon bref, je ne vais pas vous assener toute l'histoire, qui n'en vaut pas la peine. Il y a un méchant, façon méchant de James Bond en moins doué, un barbu qui ressemble à un croisement entre Christopher Lee et Jean-Pierre Marielle, le talent en moins. Doc Savaze, pardon, Savage, finit par le vaincre et tout le monde est content. D'autant que les péripéties sont dans l'ensemble les mêmes que dans n'importe quel film d'aventures et ne sont drôles qu'au second degré, à cause de la réalisation. C'est n'importe quoi. Les cinq comparses de Doc sont des pitres pitoyables (Notamment, j'aime beaucoup Dzohnny, pardon, Johnny, l'archéologue, qui n'arrête pas d'employer des exclamations du type "extrafantasmabuleux", "superétonnifiant", etc...) et il est bon que les vilains soient encore plus cons, sinon ils se feraient méchamment rétamer. En plus de la moto, Doc dispose d'une voiture dorée estampillée Doc Savage et d'un avion doré estampillé Doc Savage. Pourtant, c'est le début, il n'est pas censé être millionnaire : il le sera à la fin du film, je vous rassure, mais c'est con, y a pas eu de suite.)
Trois morceaux de bravoure tout de même :
1) Avant de monter dans l'avion pour aller combattre les méchants en Hidalgo, un petit pays d'Amérique Latine, Doc se retourne et rappelle leur code de l'honneur à ses compagnons. J'ai pas tout noté, mais ça donne quelque chose comme "Nous utiliserons toutes nos ressources pour nous rendre meilleurs afin de servir la cause du bien. Nous ne serons jamais méchants. Nous défendrons la veuve et l'orphelin... etc..." Et ça dure une éternité. En 75, déjà, j'ai l'impression que ça devait paraître un brin lourd. En plus, avec le ceveu sur la langue du doubleur français, ça atteint des sommets de ridicule.
2) On dira ce qu'on voudra des doubleurs, mais y en a un qui s'est bien amusé. A un moment, l'héroîne déclare à Doc, à propos de l'endroit qu'ils cherchent : "Quand j'étais petite, les vieux racontaient que le villages des Kestatacs se trouvait au-delà du bout du monde. Vous pouvez croire ça ?" Et là, profitant de ce qu'on cadre un Doc Savage muet, elle ajoute "Vous pouvez le croiiiire ?" Doc fait "Oui", et la nana, toujours hors champ, s'exclame : "Il peut le croire !" Là, je crois que la référence est trop évidente pour que ç'ait été dans l'original. (Si vous ne voyez pas à quoi ça fait référence, c'est que vous êtes trop jeune.)
3) A la fin, Doc Savage se frite avec le méchant. Ils emploient tour à tour une demi-douzaine d'arts martiaux, à raison de cinq secondes à chaque fois, et dès qu'ils changent, le nom de l'art martial en question apparaît à l'écran. C'est l'aspect instructif du film.
Bref, même en tenant compte du fait que le zozotement de Doc ajoute un effet comique indéniable et que la traduction de la chanson aux accents militaires ("Il est grand et beau / Il est le meilleur / Doc Savage ! Doc Savage !", le tout par les Compagnons de la chanson, je le rappelle, ou alors c'est bien imité) n'arrange rien, le film est de bout en bout lamentable. Les clichés se succèdent, les combats sont réglés par votre grand-mère impotente, les effets spéciaux sont minimalistes, le jeu incompétent ou outré ou les deux, et quoi encore ? Rien, y a rien, là-dedans. A part un tas d'éclats de rire pas voulus par les producteurs (pauvre George Pal ; il n'avait pas mérité de tomber si bas).
Si, allez, une idée pas trop nulle. Les sorciers Kestatacs (c'est pas ça, mais ça y ressemble, on va pas chipoter) réussissent à créer "La mort verte", des espèces de serpents intangibles mais néanmoins mortels, qu'ils lancent à l'assaut de leurs ennemis. Entre d'autres mains, par exemple dans un Indiana Jones, je suis sûr que ça aurait pu donner de bons résultats, de chouettes images. Là, c'est un brin gâché. Redoutable nanar.