EL AULLIDO DEL DIABLO

Genre : sérial-killer éclectique

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Pré-générique : dans une forêt, une femme au volant d'une voiture arrêtée semble attendre quelqu'un, en comptant une liasse de billets, ce qui tendrait à faire penser qu'elle ne sort pas tout droit d'un couvent. Elle n'aura pas l'occasion d'y rentrer non plus, car un poignard surgit, tenu par une main gantée, et l'égorge proprement (enfin. façon de parler.) Evidemment, on ne voit pas le visage de l'assassin.

Le générique se déroule sur la tête renversée en arrière et la gorge ouverte de la victime. C'est presque aussi beau que du Lucio Fulci, et ça donne le ton du film (ou plutôt un de ses tons, vous allez voir.) On passe à une scène de jour, l'Espagne brillamment ensoleillée. Une auto-stoppeuse en jupe courte et petit haut moulant (vous en voyez souvent, des comme ça, vous ?) se fait prendre en voiture (je veux dire ramasser, bien sûr. Elle monte dans la voiture, quoi) par notre vieux pote Howard Vernon, qui porte une livrée de chauffeur de maître. Comme elle n'a franchement pas l'air farouche, Howard (Eric, dans le film) lui explique qu'elle va pouvoir se faire mucho dinero avec son patron, lequel est paraît-il un grand acteur, mais pas aussi célèbre que son frère, mort depuis plusieurs années.

Arrive le soir. La jeune femme est introduite (oh, je vous en prie, si vous commencez à ricaner dès que je dis un mot, on n'en sortira pas) dans une pièce où la rejoint bientôt le patron en question. C'est Paul Naschy, bien sûr, mais déguisé en Raspoutine. Il oblige la nana à boire de la vodka, et tandis que la bande originale nous joue subtilement Kalinka, la déshabille à coups de couteau avant de se la taper joyeusement (non, on ne voit pas grand chose, sinon brièvement les seins de la fille, ce qui devrait faire plaisir à Benoit). Durant la scène, la caméra cadre un tableau où, suprême originalité, un oeil du sujet s'écarte pour révéler un vrai oeil humain (mais de qui, on sait pas). Vers 4 heures du matin, rassasié, l'ami Naschy (qui s'appelle Hector, ce coup-ci) fait jeter la fille dehors par Eric, après lui avoir filé plein de sous. Evidemment, elle n'est pas plus tôt arrivée dans la forêt qu'elle se fait éventrer par le tueur du début, qu'on ne voit toujours pas. Pendant ce temps-là, Hector contemple avec tristesse le portrait d'une certaine Lénora. Lorsqu'il l'embrasse, le plateau qui porte sa cafetière se casse la gueule tout seul de la table basse. Ah, tiens, ce serait donc du fantastique, finalement.

Le lendemain, nous découvrons le jeune Adrian, neveur d'Hector, qui regarde avec délectation les films (d'horreur) de son père défunt, au grand dam de l'oncle, lequel déclare que son frère était un acteur de merde, alors que lui, qui joue Shakespeare et Pirandello, est un génie. Adrian n'est pas tout à fait d'accord. On sent qu'ils se détestent, tous les deux.

Après une grosse dispute, Adrian (dont on nous dit qu'il a onze ans mais qui en ferait plutôt quatorze) va jouer dehors, où il est rejoint par le monstre de Frankenstein. Si, si, je vous jure : Naschy avec sur la tronche une copie du maquillage de Karloff. Ils discutent un moment comme de vieux amis. "Tu sais, Frankie, il me hait. Et il vous hait tous, vous aussi" déclare Adrian.

Sur ce, nous faisons la connaissance de Carmen, cousine désargentée d'Hector, qu'il accueille sous son toit sous réserve qu'elle fasse la bonniche. Carmen, c'est Caroline Munroe, qui n'a sans doute jamais été aussi superbe, malgré ses heures de vol. Opulente, irradiant la sensualité, et pas une ride sur le visage. Elle serait parfaitement crédible en Espagnole archétypale si elle n'avait pas aussi visiblement joué son rôle en anglais et été doublée à la va-vite. Hector désire fougueusement Carmen (on le comprend), mais malgré ses propositions assez claires, elle l'envoie sur les roses.

Et c'est pas fini : encore un nouveau personnage, Zacharias, le vieil ivrogne du coin, qui met en garde Carmen contre son cousin en disant que c'est le diable, ou quelque chose comme ça. Elle l'envoie sur les roses lui aussi, ce qui inspire au vieux que les femmes sont toutes, entre autres choses que je n'ai pas bien comprises, des serpents venimeux. Arrive la nuit. Un couple de campeurs se prépare à faire ce que font tous les couples de campeurs dans ce genre de film, mais soudain, avant même qu'on ait pu lui voir les seins, la dame est prise d'une envie pressante et quitte la tente. "Non, non !" crie la foule en délire. "Regarde derrière toi !" Ben non : elle regarde pas et elle se fait égorger elle aussi. (on ne voit toujours pas le tueur, est-il besoin de le préciser ?)

Et hop ! Un nouveau personnage. Le lendemain, Don Damian, le curé du coin, se recueille au cimetière sur la tombe d'Alex, le frère d'Hector, sur fond d'Adagio d'Albinoni. Il est rejoint par Zacharias, qui lui dit que les femmes sont toutes des putes (sic. C'est un grand féministe, Zacharias.) Damian lui apprend alors qu'Alex s'est suicidé et que sa femme, Lénora, est morte d'overdose un an plus tard. Mais dans le premier cas, on a plutôt parlé de meurtre. L'affaire se corse. Suit une scène bizarre où une femme nue (la campeuse, probablement, qui avait oublié de montrer ses seins, donc), se fait arracher un téton avec des tenailles (beurk) avant d'être découpée à la tronçonneuse. On ne voit pas bien ce que ça vient faire là, mais passons.

Pendant ce temps-là, dans sa chambre, le jeune Adrian reçoit la visite de Mr. Hyde (encore Naschy) qui lui conseille de prendre patience, parce que bientôt il sera libre de partir avec eux.

Là dessus, Hector, qui craque de plus en plus sur Carmen, lui propose assez goujatement une cassette de bijoux en échange de ses faveurs. Elle manque de craquer (parce que les femmes sont toutes des ce que vous voulez, comme dirait Zacharias), mais finalement sa vertu naturelle reprend le dessus, et Hector lui, reprend une veste.

On retrouve Don Damian qui dit la messe sur fond d'Ave Maria de Schubert (la bande sonore est presque aussi variée que le reste), avant d'avoir un nouvel entretien avec Zacharias que, comprend-on, il paie pour surveiller Carmen. "Si elle ne revient pas avec moi, je la tuerai" déclare notre curé. (On saura plus tard qu'ils ont eu une liaison. Mon espagnol m'ayant un peu lâché, je n'ai pas bien compris si c'était avant ou après que Damian se fasse prêtre, mais dans l'ensemble, on s'en tape.) Et la bande sonore nous attaque la Symphonie Fantastique pour une scène où Eric invoque son cher patron disparu Alex, lequel lui apparaît et lui dit qu'il faut attendre (décidément, c'est le mot d'ordre du jour). Retour dans la chambre d'Adrian, sur fond de Nabucco (après, j'ai arrêté de faire gaffe à la musique), ce qui préside à une visite du Fantôme de l'Opéra himself (toujours Naschy, of course). Ils devisent gaiement, le fantôme ôte son masque, sous lequel il est tout brûlé, évidemment, mais ça n'empêche pas le gamin de lui dire qu'il l'aime.

A la scène suivante, Adrian et Eric sont devant la tombe d'Alex. Le vieux domestique assure au gamin que son père reviendra et qu'il demeurera toujours avec eux. Ça se corse encore.

Sur ce, une touriste française, Brigitte, arrive à la propriété d'Hector (choucarde, la touriste). Ses dialogues en français n'ont à l'évidence pas été écrits par un Français, mais c'est pas grave. Elle se fait à moitié agresser à l'entrée par Zacharias, qui lui dit qu'il ne faut pas entrer là, parce que c'est la maison du diable, Sodome et Gomorrhe, et toutes ces sortes de choses. L'ivrogne est mis en fuite par Hector, qui accueille la charmante jeune femme chez lui et lui offre du champagne drogué, ce qui fait qu'elle s'endort en essayant de lui dire que les Espagnols sont décidément très chevaleresques.

S'intercale là une scène entre Carmen et Damian, qui la supplie de revenir avec lui et de quitter la maison de ce dépravé, de ce suppôt de Satan, de ce paltoquet, de ce etc.. Elle répond que non, parce que ce serait pas bien, et ils s'engueulent. Là, moi, je me dis, le tueur, c'est lui, c'est pas possible autrement.

Boum, on retrouve Brigitte, attachée sur un lit, les seins nus évidemment. Et qui voilà ? Hector, déguisé en Barbe Bleue (si, si), qui brandit un couteau. Plan du manoir sous la lune, tandis que s'élève le hurlement de la belle. Mais non, c'était pour de rire : en fait, il la saute. Et elle aime ça, parce que les Françaises, bien sûr, c'est encore pire que les autres femmes, c'est bien connu. Re-plan sur le tableau avec l'oeil.

Pendant la nuit, se place une scène dont l'utilité m'apparaît assez discutable : un couple de bandits fuyant la police s'introduit dans la maison, et menace Hector, Brigitte, et Eric (Notez, c'est important). On a droit à la scène classique ou Naschy, braqué par le méchant, ouvre la porte et convainc les flics que non, il n'a vu personne, mais qu'il ne manquera pas de les prévenir s'il se passe quoi que ce soit. La guardia civil l'informe qu'elle repassera d'ici une heure. Sur ce, nos bandits sortent et (devinez.) se font respectivement éventrer et poignarder par le tueur. On n'en entendra plus parler.

Le lendemain matin, la Française, ravie de sa nuit (quand je vous dis qu'elles sont terribles), reprend son voyage en promettant de revenir. Et là, énorme surprise : elle ne se fait pas buter ! Alors là, je vous jure, elle avait pourtant tout ce qu'il fallait pour y passer. Eh ben non. Nouvelle discussion entre Damian et Zacharias. Ce coup-ci, on apprend qu'Eric, avant d'entrer au service d'Alex, avait provoqué un scandale en se faisant choper en train de forniquer avec un cadavre - on peut comprendre le scandale. On nous dit aussi qu'il pratique les arts occultes, mais c'est bête : on le savait déjà.

D'ailleurs, juste après, on nous le montre en train de tirer les cartes : la mort et le diable. "Le grand jour approche" nous dit-il (chouette). Là-dessus, bizarrement, Carmen semble péter un plomb. Affolée, elle emmène Adrian en lui disant qu'il faut quitter cette maison absolument, et les voilà tous les deux qui partent en courant dans la riante nature. Evidemment, ils se retrouvent face non pas à un mais à DEUX tueurs, tous les deux masqués façon Jason, et armés respectivement d'une tronçonneuse et d'une machette. Les masques tombent, et nous reconnaissons Damian et Zacharias. Manque de pot, ce n'était qu'un rêve de la jolie Carmen, qui confie à Eric, dans un accès d'honnêteté, son aventure passée avec Damian. Le chauffeur, magnanime, lui dit qu'elle est bien gentille mais qu'elle devrait se casser. Elle lui explique qu'elle a besoin des sous, et qu'en plus, elle aime beaucoup Adrian. "Seulement Adrian ?" lui demande Eric avec un sourire en coin. Et paf ! Du coup, elle prend conscience qu'en fait, bien qu'elle lui résiste depuis si longtemps, elle aime Hector. (On se demande un peu pourquoi, d'ailleurs.) Sur ce, petite scène où Hector s'entraîne avec des haltères, puis s'empare d'une hachette.

Et nouveau monstre. Ce coup-ci, c'est le loup-garou qui vient tailler le bout de gras avec Adrian. "Ah, Waldemar" dit l'enfant. "Si jamais tu vois Larry Talbot, tu lui passeras le bonjour".

Là-dessus, Zacharias se fait buter à son tour. Et avec une hachette, dites donc. Comment ? Serait-ce donc Hector le tueur ? Le suspense est insoutenable. Comme ça fait un petit moment qu'on n'a pas vu de seins, ledit Hector ramène à la maison une nana qui est commodément tombée en panne de voiture devant chez lui. Il la drogue elle aussi et il la saute elle aussi, mais ce coup-ci, déguisé en Dr. Fu-Manchu. Et re-re-plan sur le tableau avec l'oeil, bien entendu. Mais comme celle-là n'est pas française, elle n'aime pas ça du tout, et se barre le lendemain matin en disant qu'elle va prévenir la police. Evidemment, elle n'en a pas le temps, vu qu'elle se prend un coup de couteau dans la nuque juste après. Soit dit en passant, on se demande un peu où finissent tous ces cadavres, hein !

Et zou ! Dans sa salle de bains, Adrian reçoit une visite de Quasimodo. Eh oui, il nous manquait, celui-là. Est-il besoin de préciser que c'est Naschy qui joue le rôle ?

Et là, paf, une petite scène explicative. Carmen, qui passe la tête par la porte à ce moment-là, voit bien Adrian mais pas le bossu, ce qui nous permet de comprendre que tous ces personnages ont été interprétés par le papa du gamin et que lui le retrouve à travers eux, mais que ça se passe seulement dans sa tête. Ah ? Ce ne serait donc pas du fantastique, finalement ?

Et là, le coup de théâtre d'enfer. Brigitte revient ! Ah, la conne ! Elle y avait échappé la première fois, et il faut qu'elle se repointe (pour revoir, je le rappelle, le type qui l'a droguée, menacée avec un poignard, et violée. Ah, ces Françaises !) Evidemment, ça rate pas, elle se fait trucider dans son bain, ce qui lui permet de remontrer ses seins. Et on ne sait toujours pas qui est le tueur, Madre de Dios ! Dans la scène suivante, le curé qui n'en peut plus essaie de violer Carmen, mais elle se débarrasse de lui en le traitant de fils de pute. (Sa mère devait être française). Totalement désemparée, alors qu'un orage éclate, Carmen retourne chez Hector. Le plan où il lui ouvre la porte et où on la découvre échevelée, drapée dans son châle, et belle à damner plusieurs saints est absolument magnifique, soit dit en passant. Ça dure pas, mais c'est magnifique.

Bref, elle lui tombe dans les bras et ils vont au lit. Mais comme Caroline Munroe est une actrice connue, elle a une dérogation pour ne pas montrer ses seins. Faudra se contenter d'une cuisse. Là-dessus, Don Damian s'introduit dans le manoir. Ah, ah ! J'avais donc raison : c'était bien lui !

En proie à leur passion, Hector et Carmen n'entendent pas arriver le tueur, qui les cloue tous les deux au lit avec une espèce d'épée. Et enfin on le voit. Et il a un masque. Mais il l'enlève.

Merde de merde ! C'est pas Damian, c'est pas Eric, c'est. Adrian, bien sûr. C'est lui qui a buté tout le monde. Et là, on apprend le fin mot de l'affaire : sa mère, Lénora, avait une liaison avec Hector. A eux deux, ils ont tué Alex et maquillé sa mort en suicide. (Non, sans blague ?) L'enfant a tout vu. C'était son oeil à lui derrière le tableau. Et tous ces meurtres n'avaient qu'un seul but : préparer la résurrection d'Alex, avec bien sûr la complicité d'Eric.

Et d'ailleurs oui, Alex revient ! Il est franchement pas beau. Il a bel et bien l'air d'un cadavre resté dans la tombe depuis des années. Mais enfin, il marche, il parle, et puisqu'il est là, il en profite pour buter Damian, parce qu'il n'y a pas de raison qu'il s'en tire, celui-là. Arrivent Eric et Adrian qui le saluent. Et re-coup de théâtre, Alex traite Eric d'imbécile, parce qu'il a déchaîné les forces du mal sur la Terre. Il lui arrache les yeux d'un geste, et à distance, ce qui est très fort. Notre pauvre chauffeur titube jusqu'à l'extérieur et explose carrément ! Salut, Howard.

Et enfin, la dernière scène, celle où le revenant s'adresse à son fils en lui expliquant son avenir. Là, avec sa voix caverneuse et mon espagnol limité, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais ça se termine par "Et un jour naîtra l'Antéchrist"

FIN

Vous avouerez que c'est quand même cocasse. En toute honnêteté, le scénario ne vaut pas tripette, tous les clichés sont au rendez-vous, mais pas les frissons tellement les péripéties sont prévisibles et téléphonées. Cela dit, un film qui se débrouille pour ramener la quasi-totalité des monstres classiques pour une histoire de psychokiller on ne peut plus 80's, avec meurtres sanglants et nanas à poil régulièrement, ne peut qu'être sympathique à l'amateur de nanar qui se respecte. En plus, Naschy, moi, je l'aime bien. Et Dieu, que Caroline Munroe était belle !

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