Lake Placid
Genre : promenade avec Casimir au bord du lac
Revue : Thomas Bauduret
Quiconque a vu l'affiche connaît le sujet. Donc : c'est un film à grosse bébête, ce qui tombe bien, vu que personnellement, j'aime bien les films à grosses bébêtes. Si, c'est moi l'azor qui a bravé une averse pour aller voir "Anaconda" en salles (Pas ce que j'ai fait de plus intelligent, remarquez...), qui s'est marré comme un ch'tit fou sur "Deep Blue Sea" et qui ira voir "Komodo". (Les varans étant parmi les animaux les plus fascinants du bestiaire, je me demande pourquoi personne n'y a pensé avant !)
Donc, dans un film de monstres, on a : une grosse bébête qui tue quelqu'un, des enquêteurs qui, après trente minutes de "non ! si ? Mais non, voyons ! Si, si ! Non, c'est impossible ! Mais si, voyez ! Ha, peut-être", déterminent l'identité du monstre, sa taille, son origine, le numéro de sa carte de séjour, etc... avant d'en faire du chiche-kebab dans un final censé laisser des marques de griffes sur vos sièges. Schéma convenu et qui peut toujours marcher s'il est bien ficelé. Donc, Lake Placid, c'est ça ?
Pas vraiment.
Comme on l'a dit et répété, c'est le scénariste d'Ally McBeal qui a écrit la bête. Pourquoi un scénariste spécialisé dans un genre - la comédie à dialogues ‹ se lance illico dans autre chose pour, au final, faire pareil, cela me dépasse.
En effet, ce croco de dix mètres semble pas bien méchant : il se nourrit de vaches et d'élans et ne tue pas grand-monde (deux victimes a l'écran ; il semble avoir bouffé un autre type dont on retrouve la tête, mais on l'oublie dans les 10 secondes, ou alors j'ai loupé quelque chose.)). D'habitude, les personnages discutent pendant que des gens en T-shirt "Bonjour, je vais mourir dans les cinq minutes pour votre plus grand plaisir" se font bouffer.
Ben non.
De plus, il lui manque la dimension mythique des grands monstres du patrimoine, bien qu'on tente arbitrairement de lui donner une vraie stature, comme celle des deux lions du sous-estimé "L'ombre et la proie" de Stephen Hopkins ; de plus, on lui dénie toute origine surnaturelle. Le fait qu'il vienne d'Asie (à la nage ?????????) est-il une parabole sur l'immigration clandestine ?
Heu... j'en doute.
A la place, donc, on a les "interactions entre personnages" et des dialogues sarcastiques (A la Ally McBeal, m'a-t-on dit.) L'ennui, c'est que ceux-ci sont des clichés : la New Yorkaise chichiteuse (un personnage fait même une réflexion là-dessus), un garde forestier transparent (Bill Pullman... l'acteur idéal pour jouer "l'homme invisible" sans trucages), un shérif rugueux et un chasseur de fauves (ou l'équivalent) riche et frappadingue, comme dans les années 50. L'avantage, c'est que les acteurs en font tellement pour donner corps à ces clichés qu'ils arrivent presque à les rendre amusants. J'ai dit presque. Lorsque Pullman et Fonda violonisent, on passerait volontiers l'avance rapide ‹ mais heureusement, ces passages sont courts. De plus, la logistique de ces rapports varie d'un moment à l'autre (Le shérif et Oliver Platt, qui est impressionnant ‹ comme souvent ‹ passent d'ennemis mortels à a l'amitié virile en quelques secondes, le temps d'un gnon sur le tarin.)
On dit : Voui, mais le film ne se prend pas au sérieux. Ce qui est censé justifier les pires clichés ? Pourquoi ne pas faire carrément une comédie, alors ? Non, je crois que cette excuse ne tiendra plus longtemps. En tout cas, il y a trop d'effets horrifiques (doigt bouffé aux vers, tête coupée...) pour que l'ensemble soit à voir comme une comédie et pas assez pour un vrai film d'horreur (Voir ce vieux "Grizzly" de Girdler qui, sur une base semblable, était autrement plus teigneux. Voire "Ticks", pour rester dans le rural.)
Le film est signé Steve Miner. Or Miner est moins un artisan qu'un technicien, qui connaît toute les techniques, toute les ficelles et les ressort telles quelles. C'est pour ça qu'une ou deux scènes à suspense fonctionnent : de par leur côté mécanique (ce qui rappelle "H20", qui suivait la même logique). De plus, il sait tirer parti d'un budget serré (27 millions de $ à comparer avec les 25 de "The Crow 3" qui faisait téléfilm pour le câble) Par contre, Miner connaît son cinoche (comme tous les tâcherons Hollywoodiens) et puise dans le patrimoine de la série B dans l'espoir qu'on n'y verra que du feu. L'effet hoirrifique du début est repompé directement à "Deep Star Six" alias "M.A.L." (d'un certain... Steve Miner ! Lui-même sollicité pour "Deep Blue Six", heu, "Deep Blue Sea"/"Peur bleue"...) et l'attaque de l'hélico vient du "Grizzly" précité de feu William Girdler.
Enfin, les effets spéciaux sont assez réussis, bien que rares. On est loin du caoutchouc et des quelques images de synthèse sur un Amstrad pourrave d'"Anaconda" le grotesque. Pourtant, les rares attaques laissent sur leur faim, comme si on attendait sans cesse un plus, un grain de folie qui ne vient pas. Et pourtant, il y en avait les germes. Dommage.
Le film fit un bide sanglant un peu partout, peut-être à cause de son côté "le cul entre deux chaises", et il en sera sans doute de même chez nous. Bof... que dire ? Ce n'est pas un film qu'on a envie de conseiller, mais il ne mérite pas un tel excès d'indignité. C'est sûr qu'on peut vivre sans. Et en même temps, il remplit sa fonction, qui est de faire passer 90mn sans conséquences. A vous de voir.
Pour fans de grosses bébêtes uniquement.