Squirm

Genre : des vers contre tous

Fiche technique

Revue : Frank Van Cant

Un des nombreux films sur la nature devenant folle suite à l’intervention humaine sans qu’aucune explication ne soit donnée. Mais un cauchemar a-t-il besoin d’une explication ?

Commençons par le commencement. Une tempête particulièrement violente cause une rupture de câbles à haute tension et des milliers de volts se déversent dans le sol. Cet événement, somme toute banal, a lieu près d’un paisible village de pêcheurs de Georgie spécialisé dans la récolte de vers servant d’appât. Le patelin se retrouve coupé du monde et est longuement (très longuement) filmé dans son quotidien morose. La photo est plutôt pas mal et comme au bon vieux temps des premiers Frankenstein, une musique menaçante donne un cachet angoissant à tout ce prologue où rien d’effrayant ne se déroule à l’écran. Nous faisons connaissance avec Gerri (Géraldine), sa sœur Alma et leur mère limite catatonique et fan de tricotage, avec le voisin voyeur Roger qui flirte avec la débilité et son père, Mr. Grimes, un red-neck de bandes dessinées. Tout ce joli monde a un accent sudiste d’opérette totalement irréaliste. Cela donne quelque chose comme Poelvoorde causant avec l’accent marseillais. Rien ne se passe de bien intéressant pendant un bout de temps : retrouvailles romantiques entre Gerri la rurale et Mick le héros citadin, présentation de la famille au prétendant, etc. Le spectateur commence à s’endormir.

Notre couple s’en va en ville pour s’approvisionner en glace au volant d’une camionnette servant habituellement au transport de vers. C’est alors que dans le snack bar local, notre héros trouve un ver dans son « egg cream », ce qui l’amènera à regarder d’œil suspicieux tous les verres de lait qu’il croisera dorénavant. Comment ce ver est arrivé là est entièrement laissé à l’imagination du spectateur qui par ailleurs réalise que les vers hurlent (encore un truc que l’éducation nationale a oublié de m’enseigner !) Le shérif, monument d’incompétence, accuse le citadin d’être un mauvais plaisant. Mick et Gerry découvrent un squelette anonyme et pas effrayant pour deux ronds. Ils commencent alors une enquête pour identifier leur trouvaille. Le film prend alors un peu la structure d’un de ces vieux films policiers où un couple tente de résoudre l’énigme d’un mort inconnu dans l’indifférence générale.

Petit à petit la vérité se fait jour. La mort de Grimes père nous est révélée, si j’ose dire, lorsque Mick ôte la chemise du malheureux et que l’on découvre quelques vers rampant sur son squelette en plastique. Lors d’une partie de pêche-alibi, un ver mord Mick qui voulait l’embrocher sur un hameçon. Un cas évident de légitime défense... L’électricité a attiré vers la surface des millions de vers hurleurs ( !) mangeurs de chair et les a rendus agressifs. Leur objectif semble être de dévorer les habitants avec un bel enthousiasme.

Durant la même partie de pêche, le méchant Roger tente de séduire Gerry d’une manière, disons, un peu cavalière. Mais les vers veillent. Ce qui donne lieu à une jolie scène où les vers s’introduisent sous la peau du visage du vilain garçon. Il est à remarquer que tous les autres protagonistes jusque là attaqués par les rampants se sont vu réduits à l’état de squelettes. Lui, il n’est que contaminé, en quelque sorte. Et à partir de là, il agira comme un zombie, une marionnette habitée par une seule idée (et par des vers) : se taper Gerry et résolu à massacrer qui se mettra entre lui et son désir. Les vers l’ont mis à nu, si j’ose dire. Alors que, profitant de cette partie de pêche-alibi, Mick et Alma pénètrent par effraction chez le dentiste pour tenter d’identifier le squelette du début par sa dentition (comme dit Mick « pour moi, les squelettes se ressemblent tous) et que Roger et ses vers disparaissent en hurlant dans les bois, Gerry s’en va prendre une douche, ce qui donne lieu à un effet « spécial » hilarant (volontairement, du moins je le pense) : les vers remontant dans le pommeau de la douche lorsque l’héroïne coupe l’eau... Petit à petit, les spectateurs se rendent comptent que les vers ont envahi la maison. Les protagonistes, eux, ne s’aperçoivent de rien. Alma va à la salle de bain et se fait submerger par une masse de vers atteignant le plafond. Pendant ce temps, les événements se précipitent. Le shérif et sa compagne de jeux rencontrent leur destin (rampant) dans une cellule de la prison (où ils viennent de faire craque-craque – ah le viril romantisme sudiste). Au bistrot local, les alcoolos de tout âge et de tout sexe sont tellement pétés qu’ils ne réalisent que trop tard qu’il y a un tapis épais de trente centimètres de vers hurleurs dans leur troquet favori. Mick, après avoir échappé à l’appétit dévorant des bébêtes et au méchant Roger, pénètre dans la maison de vers de Gerry et, quand il la visite, une bougie à la main, face à la lumière, la mer de vers s’ouvre telle la mer Rouge devant Moïse, scène proprement hilarante et je ne pense pas que ce soit de l’humour involontaire... Puis, pour sauver sa belle, Mick se lance dans un combat homérique avec Roger l’indestructible qui finit dans l’estomac des vers.

Le jour se lève, les vers se planquent, les survivants se retrouvent. Alma est parvenue à se cacher dans un coffre (comment ? CDLS) et retourne à l’air libre.

L’EDF local répare enfin les dégâts et les vers disparaissent de la surface de la terre dès que la ligne à haute tension est rétablie ( mais sans doute attendent-ils patiemment l’heure de leur revanche).

Construire un film d’horreur autour de vers reste une gageure : des lombrics en plans larges, cela donne l’impression d’une platée de spahettis vulgaris. Les vers aiment à rester ensemble et leur moyen d’attaque favori est de tomber en masse sur leur victime. Ce qui est plutôt malin de leur part, parce que j’ai l’impression que même le moins ingambe d’entre nous est capable de battre un ver à la course... Cependant, les présupposés du film ne sont ni plus ni moins stupides que ceux de « Birds » d’Alfred le Grand... Mais comme Truffaut n’a pas écrit de bouquin sur Lieberman, « Squirm » ne jouit pas d’une réputation d’excellence. Pourtant, il est plutôt pas mal, vu la maigreur du budget. Les scènes nocturnes dans la maison envahie par les vers et l’obscurité sont bien tournées : toutes les scènes sont éclairées par en dessous et cela donne aux acteurs une apparence d’âmes en peine plutôt bienvenue. Il joue sur la peur de l’homme occidental de finir dévoré par les vers après son trépas en le faisant dévoré avant son trépas, ce qui, dans une certaine mesure, le rattache aux films de zombies... La scène où un Roger indestructible s’attaque à Mick est clairement démarquée des films de zombies. Une série B (ou D) sans prétention et qui ne cache pas son jeu, un film de bébêtes monstrueuses sans effets spéciaux hors de prix ! Rick Baker, l’homme des effets spéciaux, devait par la suite participer à une flopée de films, dont l’Ed Wood de Burton.

Note : dans les années ’80, une chaîne câblée new-yorkaise a, par erreur, diffusé le film en noir et blanc. Lieberman les a appelé pour les féliciter, trouvant le film plus intéressant dans cette version... Un élément de plus à verser au dossier : le film est construit comme un hommage aux vieux films d’horreur...

Don Scardino (qui joue le rôle de Mick, le citadin) réalisera plus tard moult épisodes de séries télé (Law & Order, entre autres).

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