Buffy, tueuse de vampires - le film
Genre : Bichette et Marcel
Fiche technique
- 1992, USA
- Réalisation : Joss Whedon
- Avec Kristy Swanson (Buffy Summers), Donald Sutherland (Merrick), Paul Reubens (Amilyn), Rutger Hauer (Lothos), Luke Perry (Oliver Pike)
Revue : Philippe Heurtel
Nombre de séries cultes ont donné lieu à des longs métrage pour le cinéma (en général beaucoup moins réussis), et inversement quelques films célèbres se sont vus déclinés en série (rarement aussi intéressantes, d’ailleurs...). Buffy, tueuse de vampire est un cas un peu à part puisque c’est un film pour le moins médiocre, comme nous allons le voir, qui est à l’origine de cette série qui a duré 7 ans et engendré une série spin-off (Angel). Fait tout aussi rare, c’est la même personne, Joss Whedon, qui est à l’origine tant du film que de la série.
Un préambule se déroulant au Moyen Age nous explique que, depuis la nuit des temps, les vampires sont parmi nous, et qu’une femme dotée d’une grande force physique, la “Tueuse” est choisie pour les combattre. Lorsqu’une Tueuse meurt, une autre apparaît et est formée par un “Observateur”.
Ceci étant posé, nous voici transporté dans le gymnase d’une école de Los Angeles où un groupe de pom-pom girls se trémousse au milieu d’un terrain de basket. L’école est peuplée pour l’essentiel d’adolescentes frivoles et d’ados dragueurs, des filles à papa et des bellâtres à la mâchoire carrée, le poil luisant et la truffe humide. Pas de doute, ce film est estampillé Torchenave Inside. Nous faisons connaissance avec la chef des pom-pom girls: Buffy. Et si vous le voulez bien, nous allons appuyer sur la touche Pause de la télécommande. Car, exceptionnellement, Buffy est un film qui peut se regarder en VF. En effet, le prénom de l’héroïne a été traduit textuellement, et donc dans la version doublée Buffy s’appelle... Bichette, élément qui confère au long métrage un cachet nanareux supplémentaire. Je sais pas, moi, imaginez cette réplique: “Utilise la Force, Lucien CielMarcheur”. Ça le fait moins, tout d’un coup, hein? Bon, au moins ils n’en pas traduit “pom pom girl” par “pomme pomme fille”. Refermons la parenthèse, ingurgitons une poignée de pop-corn, faisons passer le tout avec une gorgée de bière et reprenons le fil de l’histoire.
Bichette, enfin, Buffy, est comme toutes les filles de son entourage : elle s’intéresse plus aux mecs et aux fringues qu’aux devoirs de math. Mais alors qu’elle s’entraîne seule dans le gymnase, elle est abordée par un homme étrange et taciturne: Merrick lui révèle qu’elle est l’Elue, qu’elle a été choisie pour combattre les vampires. Evidemment, Buffette, je veux dire, Bichy, est sceptique, mettez-vous à sa place (oui, je sais, à sa place vous commenceriez par changer de prénom, dans la vie il y a des priorités). Mais lorsque l’Observateur lui parle de ses vies antérieures (car Tueuses et Observateurs se réincarnent d’une génération à l’autre) qui correspondent pile poil à des rêves dont elle n’a jamais parlé à personne, la Tueuse accepte de se rendre la nuit dans le cimetière. Entre deux cris d’oiseaux kookabura, des vampires sortent de terre et attaquent les humains. Buffy découvre sa force et ses réflexes, et dézingue les suceurs de sang d’un bon coup de pieu dans le cœur. Le combat est très mou, et les apostrophes de Merrick telles que “Attention Bichette!” n’aident pas vraiment le spectateur à y croire.
Petite parenthèse: les vampires sont ridicules, outrageusement maquillés et maniérés, leurs répliques se réduisent principalement à “Haaaaaa”. Mais ce n’est rien comparé au chef des vampires, Lothos, et son âme damnée, Amilyn: là, on œuvre carrément dans la catégorie “Volcor et Khomenor” de San Ku Kaï, des super pros, quoi. Vieux de 2200 ans, Lothos est l’ennemi juré de la Tueuse. Et du fond de sa crypte, il se prépare à envahir le monde des humains. Fin de la parenthèse.
Dès lors, la vie de Buffy commence à basculer, contre son gré: car on ne peut pas à la fois s’entraîner avec les pom-pom girls et s’entraîner avec son observateur, faire les boutiques et sauver le monde. Buffy commence à se désocialiser, mais aussi à réaliser la frivolité de sa vie passée et de ses copines. Elle est convaincue de ne pas finir comme les précédentes tueuses, car elle a quelque chose de plus qu’elles: son “sens aigu de la mode”(sic).
Une nuit, elle sauve la vie de Pike, un humain attaqué par Amilyn et sa bande. C’est ainsi qu’elle se lie d’amitié, et plus si affinités, avec ce bon gars à des lieux de la bourgeoisie américaine puisqu’il est mécanicien. Notez que Pike s’appelle Marcel, en VF; “Marcel et Bichette”, le couple de l’année... Gasp et re-gasp.
Bon, passons rapidement: Pike découvre l’univers des vampires et de la Tueuse; au cours d’un match de basket Buffy intervient contre un vampire qui s’est immiscé dans une équipe, il y a une poursuite molle du genou en moto et en tenue de pom-pom-pom pom girl, et elle est confrontée pour la première fois à Lothos; Merrick est tué au cours du combat, mais de vous à moi on s’en fiche un peu.
Puis vient la nuit du bal de fin d’année. Buffy est partagé entre cet événement crucial dans la vie des lycéens et son devoir de sauveuse du monde, mais comme dit Marcel: “La vie est une garce, mais tu es l’Elue, Bichette”. Bref, la nuit du bal, Buffy arrive dans sa jolie robe, elle se fait plaquer par son crétin de petit copain, et du coup elle danse avec Pike. Mais le bal est attaqué par une bande de vampires (ça devient, en quelque sorte, le bal des vampires). Ces gothiques d’opérette sont aussi crédibles en vampire que moi en Aragorn. Des gothiques toc, si vous voulez. Bon, il y a une bagarre très mal foutue, Lothos meurt à l’issue d’un combat sans intérêt contre la Tueuse. A l’aube, Buffy et Pike partent tous les deux en moto, on les voit de dos sur fond de soleil levant et on chantonne “I am a poor lonesome slayer, and a long way from Sunnydale...”.
En effet, après avoir visionné ce Buffy, on se dit qu’un long chemin attend Joss Whedon pour arriver à Sunnydale. Certes, le principe de la série les générations de Tueuses, les Observateurs, les vampires sont bel et bien présents (mais les vampires ne tombent pas en poussière quand ils meurent, question de budget et / ou de technologie, et ils ne changent pas de visage) , mais à l’état embryonnaire. La mythologie imaginée par Whedon ne demande qu’à prendre corps, ce qui n’arrivera pas dans les 86 minutes du film.
Le personnage incarné par Kristy Swanson est relativement proche de celui de Sarah Michelle Gellar, si ce n’est qu’au départ la Buffy du film est bien intégrée à la communauté, alors que celle de la série est déjà désocialisée. Toutes deux sont blondes et indisciplinées, et elles sont partagées entre leur désir de vie normale et leur devoir d’Elue.
On retrouve à peu près l’ambiance de campus de la série, avec les étudiants torchenaves, insouciants et égoïstes, un proviseur ridicule et obsédé par l’autorité qui préfigure le proviseur Snyder. Lothos, quant à lui, préfigure le Maître de la première saison de la série. La scène du bal fait penser à l’épisode où Buffy doit sauver le bal de fin d’année.
Il n’y a pas le “Scooby Gang” l’équipe qui épaule Buffy dans ses aventures qui donnait toute sa dimension à la série. Au mieux notera-t-on la brève apparition de Cassandra, une élève intello, qui fait songer à Willow, mais de très très loin (d’ailleurs, l’intello au sein d’une équipe est un personnage universel).Quand à Pike, il a une guitare et une camionnette, ce qui n’est pas sans évoquer le personnage d’Oz, le loup-garou (l’acteur Luke Perry qui incarne Pike a d’ailleurs joué dans une série TV intitulée... Oz). Enfin, son nom fera penser à Spike; et puisque dans la VF du film il s’appelle Marcel, dans la série il aurait pu s’appeler Smarcel: merci Dieu Tout Puissant de nous avoir épargner cette épreuve!
Si Kristy Swanson se débrouille correctement, les autres adolescents sont plutôt transparents, et Sutherland est très mauvais dans son rôle d’Observateur: il tente de se donner l’air mystérieux et austère, et au final il a l’air de pas grand chose. On notera au passage que, de tout le film, et même pendant les séances d’entraînement, il n’enlèvera jamais son manteau ni son chapeau. Les vampires, j’en ai parlé plus haut, c’est une catastrophe: à eux seuls, ils représentent la moitié du potentiel nanareux du film. La mise en scène n’est pas très inspirée, en particulier les combats sont très mous. Bien que le film date de 1992, il est plutôt looké milieu des années 80, par la musique et les fringues des personnages.
Quant aux dialogues, ils sont très pauvres, sans le punch qui caractérise la série. On comparera les “Haaaa” des vampires du film aux répliques qui émaillent la série, voire la savoureuse psychanalyse avec un vampire dans un épisode de la saison 7 (“Je suis là pour te tuer, pas pour te juger”).
L’amateur de nanars pourra donc éventuellement consacrer une heure et demi de sa vie à visionner ce film. Le fan de la série regardera avec intérêt cette curiosité qui préfigure la série tout en étant très éloignée de celle-ci (les producteurs de la série qui ont acheté le projet de Whedon au vu du film, ainsi que du pilote qui vaut également son pesant d’hémoglobine, ont eu un sacré flair). Quant au cinéphile, une fois de plus il conspuera certains doubleurs qui sont en réalité de dangereux psychopathes. “Bichette”! Non mais franchement, y a des coups de pieu quelque part qui se perdent!