The song of Bernadette

Genre : bigotteries hollywoodiennes

Fiche technique

Revue : Frank Van Cant

Certains soirs, le nanarophile blasé, l'esprit et les sens émoussés par la vision de tant de perversions érotiques, de combats plus ou moins extrême-orientaux et d'orgies intergalactiques, éprouve le besoin de retourner aux vrais valeurs qui sont le fondement de notre belle civilisation. Il ne lui reste alors qu'à se tourner vers un genre cinématographique trop souvent oublié par les amateurs même les plus éclairés de conneries à vingt quatre images seconde, j'ai nommé le cinéma saint-sulpicien, fleuron de ce bel ordre moral florissant dans les années pré-soixante-huitardes, passé de mode depuis, hélas (encore qu'un film comme Signs ...) Aussi, avec la certitude de faire oeuvre utile et de participer à l'indispensable réarmement moral de "Nanar" (et après réflexion de Malpertuis, où plein de malades me bassinent avec des séries télés idiotes, vengeance!), j'ai décidé de chroniquer (vaguement) ce nanar méconnu (méconnu comme nanar. Il a été en effet multi-nominé aux Oscars en son temps et fait l'objet de commentaires dithyrambiques sur IMdB. Mais pour moi, nanar, forcèment nanar...) qu'est The song of Bernadette (1943)

Sous Napoléon III, dans une calme petite ville de province, oubliée des hommes mais non de dieu, comme la suite des événements le démontrera, une pauvre petite fille appelée Bernadette (la sublime Jennifer Jones), pieuse mais stupide (c'est elle qui le dit et le redit et le redit encore, moi, je n'oserais jamais insulter la très belle Jennifer) rejetonne d'une pauvre mais digne famille, va se promener avec deux copines le long de la rivière, à proximité d'une grotte. Pendant que les copines font les fofolles, notre brave petit chaperon gris rencontre, non le loup, mais une gentille dame fluo qu'elle est seule à voir. L'apparition lui fixe un rendez-vous hebdomadaire (tous les jeudis - pourquoi le jeudi et pas le vendredi ou le samedi? Aucune idée - CDLSD - c'est dans le script divin) à notre petite Cosette de Lourdes (pour ceux qui n'auraient qu'une connaissance superficielle des mythes catholiques, Bernadette, c'est la Soubirous et le patelin, c'est Lourdes). Notre pauvre Bernie, les sourcils impeccablement épilés, les mains soigneusement manucurées, le rouge à lèvres lui dessiant une bouche parfaite (pauvre mais digne et propre sur elle - d'ailleurs ses fringues sont d'une propreté à faire rêver la mère Denis et sans aucune trace raccomodage.) se retrouve bien malgré elle au centre d'une polémique entre les notables bien pensants et probablement francs-maçons, dirigés par le procureur Vincent Price impérial et malfaisant, le clergé dubitatif et le bas peuple, crédule comme il sied aux âmes simples : Bernie est-elle une cinglée ordinaire ou l'apparition est-elle la mère de Notre Seigneur ? Faut dire que Lady Fantôme ne dit jamais clairtement son nom. En plus, elle se fait appeler "Immaculée Conception", ce qui fait quand même plus bonniche espagnole que maman du bon dieu, c'est du moins l'avis du curé local (bon, d'accortd, il le dit pas comme ça, mais c'est en gros le sens de son intervention). Le monde scientifique est partagé : certyains, humains et profondément bons comme un banal médecin d'Urgences (Lee J. Cobb) passent de la crédulité à l'acceptation; d'autres, dogmatiques et méchants , réagissent comme de vulgairtes Price. Les articles de presse se multiplient et - miracle perntecôtiste sans doute - ceux consacrés à Bernadette appraissent en anglais au milieu de faits-divers écrits en français. Les notables comprenant assez vite où se trouve leur intérêt financier (à l'exception de Vincent, mais il sera bien puni, non mais !), l'Eglise et l'Etat où se trouve leur intérêt idéologique, on devine assez vite comment tout sera finira (et puis, sans toute cette histoire, qui aurait entendu causer de Lourdes? c'est comme un film sur Mata Hari, difficile de nimber la fin d'un intolérable suspence.) Donc, Lourdes devient Lourdes, les riches plus riches, les cons plus cons, Vincent se chope un cancer du larynx et finit à genoux dans la grotte (il y aurait un brillant parallèle à faire avec Pharaon dans les dix Commandements et le problème de la grâce divine, mais je suis fatigué aujourd'hui), Bernie finit dans un couvent, mourant jeune et dans d'horribles souffrances (elle est vierge et pure, mais Dieu la punit? CDLSD! Peut-être le message caché est qu'il vaut mieux être débauché et cynique que coincé et pieux...), mais toujours avec son sourire hébété de saisie. Jusque là, me direz-vous, rien que du tout venant, du banal catéchisme version hollywood. Mais c'est lors des apparitions de la gentille dame cause de tous lers tracas de notre suave héroïne que se situe ce qui constitue indéniablement le clou de cette bondieuserie cinéatographique. Et alors là, c'est grandiose, digne d'un Godzila grande époque. Dans un halo blanchâtre et lumineux, apparaît une madonne (Linda Darnel. C'est bien la seule fois qu'on la fait jouer une vierge, et ils n'osent même pas la créditer au générique, du coup!)style image que recevaient de mon temps les enfants sages au cours de catéchisme, un de ces machins qu'on hésiterait à flanquer dans une de ces kitscheries boule-de-beige (si vous voyez ce que je veux dire) tant il est ringard, une vision tellement absurdo-comique que Jean-Paul II s'en étranglerait de rire s'il savait ce que rire veut dire.

Un grand moment de cinéma saint-sulpicien que je ne peux que vous conseiller un soir de manque théologique (avec une bouteille de bourbon pour faire passer l'hostie, toutefois).

Pour les petits curieux fainéants, je vous conseille de jeter un oeil sur le trailer du truc sur IMdB, ça donne une idée de la chose en 2mn45, avec apparitions et sourire béat.

Retour à la page BIS