Une fille chez les cannibales

Genre : goulou goulou, déesse blanche zouba !

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Un film de cannibales par Jesus Franco... Franchement, ce n'est pas le genre de programme le plus excitant au monde, connaissant les goût artistiques un peu bizarres du petit Jesus. Enfin, après les monstres, les assassins, les vampires, les zombies, les sorciers et autres amazones, il fallait bien qu'il aille piétiner les plates-bandes de Ruggero Deodato en lui piquant ses anthropophages sur fond d'exploration ethnologique douteuse. Il y rajoute seulement le thème de la déesse blanche, blonde évidemment, déjà traité dans plusieurs autres nanars des plus fauchés.

L'intrigue est simple : un couple de scientifiques, accompagné de leur petite fille, va enquêter au pays des cannibales. Ce qui doit arriver arrive, une tribu de cannibales particulièrement féroce les attaque : ils mangent toute vive l'épouse et s'apprête à découper entièrement le mari (Al Cliver, imberbe) quand ils découvrent la fillette : ils sont tellement impressionnés qu'ils en font sur le champ leur «déesse blanche» et laissent par inadvertance s'échapper le père, qui avait déjà un bras coupé et boulotté. Le pauvre est finalement recueilli et guéri.

Hélas, de retour à la vie civilisée, il n'est pas cru (alors que son bras, lui, avait été cuit avant d'être mangé, mais c'est une autre histoire). Pourtant, alors qu'il s'est résolu à retourner tout seul sur place avec une belle doctoresse (Lina Romay, que Franco devait bien placer quelque part), il est finalement aidé financièrement par toute une troupe de membres de la Jet Set, qui ne croient pas à ses élucubrations, mais qui voient en cette sortie un bon moyen de s'amuser.

Evidemment, ce qui doit se passer arrive : en pleine jungle, les Jetseteux ne font pas le poids et se font massacrer un par un par les cannibales. Deuxième séance de dégustation d'une femme vivante. Cliver (maintenant barbu), Romay et un jeunot se font capturer par la tribu. Ils découvrent que les anthropophages idolâtrent une jeune femme blonde et ravissante (Sabrina Siani, superbe silhouette mais une des actrices les plus inexpressives du bis), qui n'est autre que la fille de notre manchot, qui a aujourd'hui bien grandi. Elle est même fiancée au fils du chef et semble avoir en grande partie oublié sa vie précédente.

Troisième séance de dégustation de femme vivante (Romay). Les deux hommes sont délivrés dans la nuit par la blondasse, puis, comme elle ne veut pas partir avec eux, l'emmènent de force. Ils sont rejoints quelques heures par les guerriers de la tribu, et doivent affronter en combat singulier le fils du chef. Le jeunot est vaincu, mais, malgré son handicap, Cliver réussit à battre son adversaire, tout en le laissant vivant. Cliver est alors autorisé à partir avec sa fille...

Malgré de pauvres effets gore (les festins de femme vivante, un peu répétitifs), «Une fille chez les cannibales» est très loin d'infliger au spectateur la nausée qu'arrivaient à générer les films de Deodato. La faute en incombe aux goûts esthétiques précités de Franco (les zooms ridicules, la musique inepte) et une propension au grotesque (des personnages pas crédibles, notamment la Jet Set et surtout la fameuse déesse blanche). Bref, on ne croit guère à cette histoire d'horreur, ce qui est quand même gênant.

Ce magnifique film nous apprend quand même quelques données intéressantes :

- la «jungle» où vivent les cannibales est une forêt de palmiers assez clairsemée;
- les crotales vivent dans la jungle;
- les fillettes qui sont blond foncé prennent une couleur beaucoup plus claire quand elles grandissent dans la jungle;
- un chef de tribu anthropophage a un maquillage qui ressemble étrangement à celui du monstre de Frankenstein dans les films de Jesus Franco;
- les membres de la Jet Set ne sont pas du tout adaptés à la vie dans la jungle (on s'en doutait);
- le langage des cannibales est constitué de mots incompréhensibles mystérieusement entrecoupés de termes français («déesse blanche», par exemple);
- les tribus de cannibales sont polychromes et multiraciales ; en effet, on y trouve aussi bien des indiens, des blancs que des noirs, sans qu'un maquillage facial assez chargé ne puisse tromper le spectateur sur l'origine raciale de chaque anthropophage;
- Olivier Mathot, en plus d'être ici très mauvais, n'est pas raccord avec le doublage (phénomène habituel chez lui, semble-t-il);
- on peut détaler et survivre des heures dans la jungle alors qu'on eu un bras coupé à la machette;
- quand un cannibale terrasse un adversaire en combat loyal, il lui dit alors, peu charitablement, quelque chose comme «Tékaka» ! Pas très fair-play, certes.
- et enfin, le top du top : la recette de la femme dévorée vive. Vous prenez une jolie fille de 20-30 ans, vous la déshabillez entièrement et vous l'étendez au sol. Avec plusieurs amis affamés, vous commencez à la mordre un peu partout sans vous préoccuper de ses cris perçants (comme les tapis), mais vous réservez le meilleur pour la fin : vous lui ouvrez le bide et vous dévorez à belles dents ses tripes. Si vous voulez filmer la scène, vous ajoutez un fond musical immonde, quelques bribes de musique tribale et des gros plans insistants sur les visages pour éviter de perdre son argent en effets spéciaux coûteux, tout en faisant attention à ce que les cris de la femme ne soient pas synchronisés avec les mouvements de sa bouche. Et ce plusieurs fois de suite par film, bien entendu.

Mais laissons le mot de la fin à ceux qui en parlent le mieux, les acteurs :

Al Cliver : «Quand je revois ce film, les bras m'en tombent.»
Lina Romay : «Fallait de sacrées tripes pour le faire, celui-là !»
Le chef de la tribu : «Bamago bamago, goulou goulou, déesse blanche zouba ! »

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