The darkness beyond
Genre : l'obscurité au-delà
Fiche technique
- L'altrove, Italie, 2001
- Réalisateur & scénario : Ivan Zuccon
- Interprétation : Michael Segal (lieutenant), Emanuele Cerman (Randolph Carter), Roberta Marrelli (Helena), Giuseppe Gobbato, Caterina Zanca, Alessio Pascutti et Francesco Malaspina.
Revue : Marc Madouraud
Vous aurez du mal à me croire, mais The Darkness Beyond est le titre français de L'Altrove. Si si, ce sont les petits gars d'Uncut Movies qui nous le disent, ces fondus spécialistes en VHS d'ultra-gore et autres longs-métrages craspecs. Après avoir dégotté des bandes pas croyables à travers le monde, de la Pologne à la Tasmanie (diable !), ils ont déniché cette zéderie italienne assez léchée.
Sont sympas, à Uncut Movies, mais ils exagèrent un tantinet sur la jaquette de la cassette, style pêcheur marseillais qui vante la taille de sa prise ou macho napolitain qui disserte sur ses extravagants exploits sexuels. Ils évoquent ainsi : " Helena est une superbe jeune femme ". Superbe, franchement, chacun ses goûts... Puis : " The Darkness Beyond marque d'une manière fracassante le grand retour du cinéma italien dans le domaine de l'épouvante. " Tellement fracassant que le film n'est même pas répertorié par IMDB. Et " Son réalisateur, Ivan Zuccon, signe ici un film oppressant et terriblement angoissant qui le hisse instantanément au panthéon des cinéastes transalpins cultes aux côtés de Lucio Fulci, Dario Argento ou encore Mario Bava. " Qui le hisse ? Euh... Va falloir qu'il trouve un autre ascenseur, pour aller à ce niveau. Sans oublier " Inspiré des écrits de H.P. Lovecraft, The Darkness Beyond a reçu un accueil on ne peut plus favorable à travers de nombreux festivals " Ah ? Lesquels ?
Bon, alors c'est l'histoire de Yog-Sototh et ses copains : Nyarlatothep, Mortiphera (sic) et toute la bande. Cthulhu est absent, certes, mais il a un mot d'excuse de ses parents. Peut-être me trouvez-vous un peu leste avec le bestiaire lovecraftien ? C'est que le décorum du maître de Providence a toujours eu un effet hautement diurético-hilarant sur moi. J'ai le plus grand mal à prendre ça au sérieux. Les Grands anciens, ça m'évoque plutôt une brochette de papys assis sur un banc, en pleine place du village, en train de se dorer la couenne au soleil printanier. C'est dire que je suis mal placé pour apprécier le sérieux - tout relatif - de " l'obscurité au-delà " (là, on va dire que c'est le titre anglais, pour compenser).
Donc, je reprend (ma critique, mais aussi une gorgée de bière) : après un début passablement incohérent (guère plus que le reste, rassurez-vous), on comprend qu'une jeune femme éprise d'occultisme et une troupe de troufions, dans un monde qui semble plongé dans une guerre rappelant celle de 1939-45, sont entrés en possession, par hasard, d'un livre ancien : le Nécronomicon. La fille explique au survivant des soldats (ses collègues de bourreau semblent avoir été massacrés dans une mystérieuse galerie) nommé Randolph Carter - tiens, tiens ! - que le livre est unique et permet aux forces occultes d'entrer dans leur réalité, un peu comme la monnaie nécessaire pour pénétrer dans une sanisette. D'ailleurs, la fameuse galerie, selon elle, est une porte sur l'au-delà, où, au lieu de babiller avec les anges pour glaner quelque information sur leur hypothétique sexe, on endure des tortures indicibles (un coin à éviter, visiblement).
La fille est attirée par une voix dans le tunnel et y est tuée (elle était prévenue, pourtant) ; le soldat s'enfuit avec le bouquin, retrouve son lieutenant (l'était pas mort, celui-là ?), se fait buter et le dit lieutenant part à nouveau dans la nature, lui aussi blessé, et remet avant de clamser le Nécronomicon à un autre des disparus, qui surgit d'on ne sait où. Après sa mort, l'officier se retrouve dans la fameuse galerie et fait la rencontre de tout un tas de zombies, fantômes de gens qu'il a connus auparavant, et qui tentent de le persuader de remettre le livre aux autorités de l'au-delà. Le lieutenant est à nouveau tué (quand on aime, on ne compte pas) par un mort-vivant plus agressif que les autres, puis torturé par un bourreau dont on ne voit pas le visage.
On revoit ensuite le dernier soldat qui a eu le Nécronomicon, lequel raconte à son officier doublement zombifié qu'il a donné le bouquin à des moines, qui l'ont eux-mêmes recopié et ont dispersé la copie pour compliquer la tâche des forces maléfiques. Sur ce dernier point, on a du mal à les croire, puisqu'un moine est obligé de redonner le livre au soldat devenu zombie et visiblement passé du côté obscur de la force : quel est alors l'intérêt de la copie, sinon donner d'autres armes aux pas gentils avec des noms idiots qui hantaient l'imaginaire lovecraftien ?
Aussi arrêtons-nous là le résumé : suffit de savoir que le mal est toujours à notre porte (même qu'il ne va même pas s'essuyer les pieds sur le paillasson, le sagouin !) et qu'il est prêt à fondre sur nous, via Yog-Sototh et son orchestre, grâce au Machin-truc-à-la-con en série limitée, vachement efficace bien qu'il ait été encore moins tiré que les mémoires de Mireille Mathieu (ainsi qu'elle-même, par la même occasion).
J'ai oublié de dire que tout cela se passait du côté d'Arkham, qui semble se limiter à une forêt désertique à peine égayée par une ruine d'usine et un vieux monastère. Et que les forces du mal se réduisent à un troupeau de zombies qui passent leur temps à parler en exhibant leurs blessures, et à un bourreau qui bourrote beaucoup, sans un mot, mais à grands coups de sécateur et d'autres objets indispensables pour s'amuser en société. Plus une voix off très grave qui susurre : Yog-Sototh, Mortiphera et ragnagna... (Je rappelle que le ragnagna est connu pour être le plus sanglant des démons.)
Outre HPL, Ivan Zuccon - il piu grande realisatore de son quartier - a visiblement lorgné tant du côté de Lucio Fulci que de Clive Barker. Mais faute de moyens, et aussi par un certain refus du craspec poussé trop loin, il n'atteint jamais le côté vénéneux et putride de L'Au-delà et de La Maison près du cimetière de Fulci (pas un seul asticot, ici), ni ne propose une esthétique gore et sado-maso de l'enfer comme Barker, même si on sent qu'il y pense (les mutilations des soldats, les instruments de torture). Car Zuccon - pas tant que ça, lui répond-on - a tenté de privilégier l'atmosphère, en rendant la situation des personnages la plus angoissante possible et en jouant sur l'obscurité, les fumigènes et des éclairages bleutés d'un assez bel effet. Ce très louable effort de ne pas tomber dans le piège du spectaculaire est pourtant un tantinet gâché par un scénario qui se mord la queue (faisant donc preuve, au moins, d'une certaine souplesse) et par certaines scènes plus jolies qu'efficaces, comme celles où une femme fait des effets de voile sur fond lumineux, dans la forêt ou dans la galerie, confinant quelque peu au grotesque.
En effet, le scénario, à trop vouloir plonger le spectateur dans les affres de l'inconnu, se prend sans arrêt les pieds dans le tapis et nous ressort des personnages qui étaient censés être disparus, en fait disparaître d'autres que l'on croyait être les héros (la fille et Carter) et en zombifie certains plusieurs fois de suite (apparemment, à la première mort on est encore humain, à la seconde on passe du côté du mal, enfin est-ce ce que j'ai cru deviner). Le pire, toutefois, ce sont ces longues séances de bavardage entre les zombies de premier niveau (les héros encore semi-vivants) et les zombies de second niveau (charcutés façon Hellraiser) qui essaient de leur faire rendre le livre par une simple argumentation - où va-t-on, bon dieu, si les morts-vivants commencent à tchatcher comme des représentants de commerce ! Bon, on veut nous faire croire qu'une fois passé le seuil tout peut arriver et qu'il ne faut donc pas trop chercher une logique là-dedans, mais on peut légitimement penser qu'il s'agit plus ici d'une facilité de scénario qu'autre chose.
Ajoutons enfin que les acteurs, tous inconnus, font ce qu'ils peuvent pour paraître concernés, et que l'univers lovecraftien, avec des dialogues en Italien, ne gagne guère en crédibilité (surtout quand tous les noms employés sont à consonance anglo-saxonne). On peut aussi se poser des questions sur cette guerre qui semble omniprésente pendant tout le film, sans qu'on ne voie jamais les " ennemis " (un clin d'oeil littéraire à Buzzati ?) Au crédit du scénariste, il aurait été sympathique d'y voir une quelconque parabole (quoique, allez-vous me dire, il n'y ait pas besoin de parabole puisque le film est sur VHS), mais j'avoue avoir le plus grand mal à trouver un lien avec le reste de l'intrigue - sinon que la guerre représente aussi le mal et bla bla bla... Toujours la même Busherie, évidemment.
Note : le DVD faisant des émules, des bonus sont proposés après le long métrage. On trouve quelques très courtes scènes coupées, qui n'apportent effectivement rien de plus, ainsi qu'une fin alternative, encore moins originale que celle qui a été retenue. Mais un bon point quand même à l'équipe d'Uncut Movies pour l'idée.