Web of the Spider

Genre : château en T

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Ce n’est pas sans une certaine émotion que je prends la plume aujourd’hui, après de longs mois d’interruption, pour vous délivrer une petite chronique. Avec un peu de chances, vu que j’ai acheté un coffret de 5 DVDs comprenant chacun deux nanars, ça ne sera pas la dernière. Un petit mot sur ledit coffret, d’abord : il est publié (aux Etats-Unis) par Brentwood Entertainment, sous le titre " Tales of Terror ". Le prix en est des plus modéré, mais la médaille a son revers : les transferts DVD ne sont pas nés d’une remasterisation digitale mais de la lecture directe de vieilles VHS ; la plupart des films sont pan & scannés ; on n’a droit qu’à la langue anglaise, et sans le moindre sous-titre. Autant dire qu’il est déconseillé d’acheter des chefs d’œuvre chez Brentwood. Heureusement, le coffret " Tales of Terror " n’en renferme qu’un (" Profundo Rosso ", aussi déplacé dans un tel environnement qu’un diamant dans un tas de charbon). Le reste, c’est du nanar — parfois du bon nanar mais du nanar tout de même. Non, je ne vous donnerai pas la liste : vous aurez la surprise au fur et à mesure que je les regarderai et que (avec de la chance, donc) je vous en distillerai les chroniques.

Ce préambule achevé, rentrons dans le vif du sujet, à savoir le premier film sur la liste :

WEB OF THE SPIDER

Anthony Dawson n’est pas le dernier des nuls. Je le vois un peu comme le Mario Bava du pauvre, un bon artisan qui fait son boulot consciencieusement mais sans génie. De fait, dans WOTS, sa mise-en-scène est classique et efficace, les quelques mouvements de caméra latéraux intempestifs qui émaillent le film devant sans doute plus à un pan & scan raté qu’au réalisateur.

Allons-y pour le scénario : Alan Foster (Tony Franciosa), un journaliste américain, arrive en Angleterre pour interviewer Edgar Poe (Klaus Kinski, si !), qu’il rencontre en compagnie d’un certain Lord Blackwood. Comme Foster, matérialiste, reproche à notre auteur d’écrire sur des choses qui n’existent pas, Blackwood le met au défi de passer une nuit complète dans son château, en l’avertissant que nul n’en est jamais sorti. Le journaliste accepte, bien sûr, sinon il n’y aurait pas de film. Ça vous rappelle quelque chose, ça, non ? C’est normal : ce film est le remake du " Danse Macabre " du même Dawson (1962). Je ne connais pas assez bien l’original pour juger des différences profondes entre les deux scénarios, mais je suis sûr que J.P. Fontana se fera un plaisir de nous les signaler.

Foster, donc, pénètre dans le château à la nuit tombée. Il y est successivement effrayé par un chat à ressorts (un de plus pour la collec de John), par un miroir et par une chaise (!), avant que son esprit rationnel ne lui susurre qu’il se laisse gagner par l’ambiance. L’homme se calme un peu. C’est le moment où, à son grand plaisir, il rencontre successivement deux femmes : Elizabeth (Michèle Mercier) et Carla (Marisa Mell), lesquelles ne semblent pas s’aimer beaucoup. La première, qui se présente comme la sœur de Lord Blackwood, ne tarde pas à se retrouver dans les bras de notre héros. Alors qu’ils reposent béatement étendus dans les bras l’un de l’autre, un drap judicieusement placé nous privant des charmes de la dame, ils sont attaqués par un homme qui tue cette dernière avec un couteau. Foster poursuit l’assassin et lui loge une balle dans la peau. Le cadavre, aussitôt, disparaît, de même que celui de la belle.

Sa raison quelque peu ébranlée, le journaliste erre un peu dans le château jusqu’à rencontrer un certain docteur Carmus qui lui explique le fin mot de l’histoire en le faisant assister à des scènes tirées du passé. Elizabeth trompait son mari avec un type dont je n’ai pas saisi la fonction exacte mais qui est sans conteste un domestique — et l’homme abattu tout à l’heure par Foster. Lorsqu’il l’a vue faire l’amour avec son mari, l’amant a tué ce dernier et s’est préparé à la tuer elle, mais a été lui-même descendu par Carla, dont nous apprenons alors la passion saphique pour Elizabeth. Cette dernière, cependant, loin de montrer de la reconnaissance, a éliminé à son tour sa sauveuse pour lui apprendre à trucider son étalon favori. Bon, ça fait beaucoup de morts, et on peut supposer qu’un tel étalage de violence a provoqué une malédiction (ça s’est vu). En tout cas, tous ces défunts reviennent à la vie une fois par an, pour une nuit, durant laquelle ils doivent se nourrir de sang sous peine de disparaître pour de bon. Le Dr. Carmus a lui-même été victime d’une d’entre elles, ainsi que plusieurs autres personnes au fil des ans, notamment toutes celles que Lord Blackwood envoie obligeamment dans son château sous prétexte d’un pari.

Comprenant qu’on en veut à sa vie, Foster se met d’un coup à croire au surnaturel et s’enfuit pour sauver sa peau. Elizabeth étant pour de bon amoureuse de lui, elle l’aide à sortir du château et même le suit à l’extérieur, sacrifiant ainsi son existence. Lorsqu’il réalise qu’elle est bel et bien morte, le journaliste nous fait une grosse crise de dépression qu’il parvient cependant à surmonter. Alors que le jour se lève, il se dirige vers les grilles du parc, les ouvre et, par un coup de théâtre téléphoné dès le début, à son entrée, se les reprend en pleine poire et se retrouve empalé sur les crocs acérés dont elles sont fort opportunément hérissées. Donc, paf ! il meurt à son tour. Arrivent sur ces entrefaites Poe et Blackwood, lequel prend l’argent du pari perdu dans les poches de Foster. Pour atténuer cette fin dramatique, des voix off nous font comprendre que les deux amants défunts sont réunis dans l’au-delà. Fin.

Malgré un certain nombre de péripéties prévisibles (Bruno Corbucci au scénario, les copains !), la chose se regarde sans ennui et même avec un certain plaisir. Tony Franciosa ne manque pas de présence, ce qui est hélas plus qu’on ne peut en dire pour Michèle Mercier (laquelle reprend le rôle de Barbara Steele ; bonjour le boulot !), toujours aussi mauvaise actrice et en prime un brin décatie depuis la série Angélique. Les autres acteurs s’acquittent de leur rôle de manière satisfaisante, ni plus ni moins. À une exception près : Kinski, bien sûr. En tout et pour tout, on doit le voir dix minutes à l’écran, mais quelles dix minutes ! Ivre, vociférant, titubant, le regard fou, mais étrangement sympathique, il compose un Edgar Poe qui n’a sans doute rien à voir avec le véritable auteur mais demeure fascinant à observer. Incidemment, d’après l’Imdb, le film est tiré d’une nouvelle dudit Poe " Night of the Living Dead ", ce qui n’est pas crédité au générique américain.

Enfin, pour la petite histoire, à moins que je ne dispose d’une version censurée pour le marché américain, ce film des années 70 se révèle plus chaste que l’original des années 60, dans lequel Barbara Steele et Margaret Robesahm se faisaient des mamours assez osés pour l’époque (anodins aujourd’hui) et où la seconde découvrait son opulente poitrine. Bref, l’un dans l’autre, il y a de plus mauvaises façons de passer une heure et demie que de regarder cette petite série B plutôt sympa — dans laquelle, malgré le titre américain, les toiles d'araignées ne font que de la figuration.

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