Carnosaur 2

Genre : Navetonsaurus Rex

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Du caoutchouc qui fait mal, du latex qui fait souffrir... Non, ce n'est pas un film sado-maso, c'est juste "Carnosaur 2" et ses bêbêtes plastifiées...

Nous faisons tout de suite connaissance avec une sorte de complexe (physique, pas celui psychologique du producteur quand il a vu le résultat) souterrain exploité industriellement. Mais un complexe visiblement dirigé avec une rare négligence : un gars déguisé comme un shérif disparaît dans un tunnel sans que personne s'en aperçoive, puis des adolescents (que viennent faire des ados dans un tel endroit, on peut se le demander...) arrivent à pirater les codes d'accès de pièces sécurisées pour aller y jouer avec des bâtons de dynamite. Un vrai bordel, que j'vous dis...

Heureusement, cette gabegie va être interrompue par... quelque chose qu'on ne va pas voir, mais dont l'identité ne fait guère de doute. De braves travailleurs, occupés à se remplir la panse dans la cafétéria du coin, sont agressés, donc, par une menace que le spectateur n'aperçoit pas mais qui fait apparemment très peur aux acteurs (excellente économie sur les effets spéciaux, a dû se dire le producteur). Le premier à y passer est le cuisinier (le grinçant John Davis Chandler, quasi-sosie de Frank Gorshin et spécialiste des petites frappes, dans ce qui semble être son dernier rôle), qui croyait chasser les rats dans son arrière-cour, et qui a trouvé autre chose. Seul un des ados réussit à se cacher dans un placard. Un détail : les assaillants, avant de se faire voir, ont la courtoisie de se faire annoncer par une espèce de cliquetis, que l'on retrouvera tout le long du film.

Puis nous rencontrons une " équipe de secours " (on en saura jamais plus sur ses fonctions réelles), constituée par des individus bien typés : le chef d'équipe qui a dû être adjudant dans une vie antérieure (le vétéran Don Stroud, rarement aussi caricatural, tous muscles dehors et doté d'un joli bandeau noir sur un oeil), le gros balèze râleur, macho et visiblement limité question cellules grises, le black de service doué en électronique, le ténébreux taciturne j'm'enfoutiste pas rasé depuis longtemps (John Savage, passablement dégoûté d'être dans une pareille bouse, et qui semble méditer sur son lent déclin depuis "Voyage au bout de l'enfer"), la femme d'action, etc.

Ce groupe est recruté par un major (Cliff de Young, l'air plus faux jeton que jamais) en civil pour aller voir ce qui se passe dans la base souterraine précédemment décrite, qui ne donne plus de nouvelles, et qui serait une exploitation minière d'uranium (vu la sécurité qui y règne, on peut en douter). A ceux qui pourraient se demander pourquoi un officier (tout seul qui plus est) vient demander l'aide de mercenaires civils à l'aspect de clodos au lieu d'en référer à sa propre armée, le major répond que cette équipe était la plus près du lieu d'intervention. Ca c'est de la réplique bien réfléchie...

La suite est déjà écrite dans le marbre (au burin grande taille). Nos p'tits gars arrivent en hélicoptère près de l'entrée de la base (située en plein désert), pénètrent à l'intérieur du complexe, ne trouvent personne mais seulement des traces de sang, et finissent par découvrir l'ado, en état de choc. Ca ressemble beaucoup à Aliens, et évidemment c'est voulu. Comme dans "Aliens" (les gros flingues en moins), l'équipe va se faire éliminer membre par membre, le pauvre Don Stroud y passant en premier. La production ayant trouvé quelque subside, nous voyons enfin l'ennemi : des dinosaures bipèdes d'environ deux mètres de hauteur, ressemblant comme une goutte d'eau de roche à une goutte de fosse septique (ils sont un peu caoutchouteux, il faut le reconnaître) aux vélociraptors de "Jurassic Park".

Les survivants, Savage en tête, tentent de partir en hélicoptère, mais un des raptors s'est introduit dedans (idée excessivement crédible) et a attaqué le pilote, provoquant l'explosion de l'appareil... enfin, de la maquette pourrie qui en tient lieu. Pas démontés pour autant, nos amis trouvent alors une solution typiquement américaine à leurs problèmes : ils vont tout faire péter (vous voyez, c'est pas d'aujourd'hui) ! Quelques paquets de dynamite, et tous les reptiles vont être réduits en chiche kebab trop cuit.

C'est là que le scénariste, qui a également dû avoir une rallonge, a un éclair de génie : le major, jusque là plutôt amorphe, va s'opposer de ses dernières forces aux ambitions pyrotechniques de ses copains et est même près de tuer Savage pour l'en empêcher. Une fois maîtrisé, il est bien forcé de s'expliquer. La base n'est pas seulement une exploitation minière mais aussi, sur certains niveaux, un entrepôt de déchets nucléaires. Par ailleurs, des recherches mal maîtrisées sur l'ADN ont donné naissance à des reptiles préhistoriques (référence au merveilleux Carnosaur, premier du nom) et les restes de l'expérience ont été aussi entreposés avec les déchets. Apparemment, la combinaison radiations - ADN pourri a de nouveau donné vie aux bestioles, qui se sont empressées de prendre possession de la base.

Pour le major, il est impossible de faire tout sauter : des têtes nucléaires de missiles sont entreposées tout au fond. Si ça pète, Hiroshima sera une explosion de pétard en comparaison. Pas contrariant, Savage propose une solution intermédiaire et pas franchement claire, consistant à piéger les niveaux supérieurs pour éradiquer la gent reptilienne. Les rescapés posent donc des bombinettes un peu partout et causent subséquemment la mort par déflagration d'un certain nombre de pseudo-raptors. Mais il en reste toujours un sacré paquet (y'a un nid) qui parvient à flinguer les derniers humains, sauf Savage et l'ado. Ces deux derniers ont la chance d'apercevoir le clou du spectacle : un simili-Tyrannosaurus Rex, auprès duquel les raptors font figure de minables. Que vient faire ce géant à côté de ses confrères nains, voilà encore un mystère qui hantera nos nuits blanches...

Abrégeons nos souffrances. L'ado réussit à faire sortir de la base Savage, pourtant blessé, et à le remettre aux mains d'une équipe de sauvetage arrivée après la bataille. Soulignons le fait que le dit gosse a réussi à parcourir pour cela des kilomètres de galerie sans la moindre opposition, alors que peu de temps auparavant l'endroit grouillait de reptiles vindicatifs. Passons. Nous arrivons maintenant à la grande scène qui a fait la réputation (enfin, à son faible niveau) de la série "Carnosaur". Dans le premier opus, le simili-T-Rex se battait contre un bulldozer (rappel évident de l'affrontement entre la mère Alien et Ripley en exoquelette dans "Aliens"). Ici, notre ado, pour refouler, non pas du goulot, mais le gros lézard qui tente de sortir du complexe, a l'idée d'utiliser... une sorte de gros Fenwick peu pratique ! S'ensuit une longue bagarre extrêmement peu passionnante entre animal et machine. Le bestiau se nique consciencieusement les prémolaires contre les armatures métalliques, tandis que l'engin en question est ballotté de toutes parts, mais finit par envoyer dans la cage du monte-charge (c'est ce qui s'appelle renvoyer l'ascenseur) notre gros T-Rex en latex, qui va s'écraser comme une bouse au fond.

Et nos rescapés de partir en hélicoptère, le sentiment du devoir accompli, pendant que la base s'occupe de ses propres problèmes pyrotechniques...

Est-il besoin d'insister sur la qualité plutôt moyenne des effets spéciaux ? Cela passe encore pour les gros plans sur les raptors, notamment de la tête (alouette), mais cela devient vite catastrophique quand on aperçoit la bestiole sur pied. J'aime particulièrement le côté caoutchouteux du raptor qui tombe au sol bien mollement, après s'être fait descendre par, euh..., un pistolet lance-fusées (si si, apparemment), pour s'être attaqué au préalable au macho de service. Les explosions de raptors en morceaux sont tout aussi délicieuses (rappelons que si vous en rencontrez un dans un couloir, vous lui balancez un bâton de dynamite dans les gencives, et vous aurez des membres de reptiles partout sur le sol sans que les parois soient endommagées). Le T-Rex, en comparaison, est un peu mieux servi, sans pour autant nous faire oublier le bon temps de Willis O'Brien ou de Ray Harryhausen.

Les acteurs sont à l'avenant : même John Savage, d'ordinaire assez sobre, finit par surjouer. Don Stroud tourne à la caricature, mais la palme revient à Rick Dean, interprète du macho, que son réalisateur laisse faire absolument n'importe quoi dans le registre du gros lourdaud qui ne cesse de râler ou de faire des vannes vaseuses.

Toutefois, le meilleur atout nanaresque du film demeure ses dialogues, probablement improvisés tellement ils paraissent pauvres et rudimentaires. On peut grosso modo découper "Carnosaur 2" en trois phases : Première étape : "Y'a quelque chose qui cloche ! " (Sourcil levé interrogateur). Deuxième étape : "Mais qu'est ce qui se passe ? " (Yeux écarquillés). Troisième étape : "Qu'est-ce qu'on va faire ? " (Sueurs froides, gestes fébriles).

Le tout accompagné de phrases aussi savoureuses et délicates que "Ca craint ! ", déclamées à tout bout de champ. Tout le monde ne peut pas être Michel Audiard, certes, mais à ce niveau de vacuité, on peut se demander si ça ne vaut pas le coup de couper le son de peur d'avoir les neurones encrassés.

Dire qu'il y a eu un troisième opus... Les producteurs de série B manquant d'imagination et se contentant de piller les oeuvres à succès (ici "Aliens" et "Jurassic Park"), je leur propose donc ces quelques idées de néo-reptiles préhistoriques, et je vous engage à y ajouter les vôtres...

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