La créature du cimetière

Genre : chauve-rat

Fiche technique

Revue : Franck Van Cant

Certains écrivains semblent frapper par une étrange malédiction : si leurs bouquins sont plus qu'honorables, les adaptations cinématographiques de ceux-ci tournent immanquablement au désastre. Je ne parle pas ici du désastre tellement absolu qu'une poésie certaine émane du résultat et que le film obtient le statut somme toute enviable de nanar, mais du foirage à peu près intégral, celui qui laisse le spectateur pantelant à la vision de la merde obtenue. A quelques notables exceptions près (Christine, entre autres), Stephen King semble victime de ce syndrome : régulièrement un nullissime crétin se frotte les mains... on va se faire un paquet de fric coco ! et se lance dans une réalisation qui me fait douter un instant de la nécessité de l'invention des frères Lumière. La chose visionnée ces jours-ci appartient indéniablement à ce genre dispensable.

Aussi mon résumé de ce naufrage sera succinct... Il était une fois dans une petite ville américaine moribonde une filature infestée de rats, et quand je dis infestée, c'est un euphémisme. Doit bien y avoir un milliard et demi de ces aimables rongeurs dans ce bâtiment. D'ailleurs la première personne que nous rencontrons est Le Tueur De Rats, mec passablement déjanté et ancien du Vietnam (mais une des règles fondamentales du cinéma selon les Max Pecas ricains n'est-elle pas que tout ancien du Vietnam soit déjanté et réciproquement). Si ses méthodes d'extermination sont originales (inondation des bâtiments par de l'eau à haute pression), elles manquent cependant d'efficacité : y a de plus en plus de rats dans c'te usine. C'est pas vraiment un film pour muridophobes. C'est un film pour personne, faut dire.

Fin de la parenthèse, revenons à nos rats. Le rat le plus impressionnant de la filature est le contremaître, rat humain, certes, mais semblant issu d'un cauchemar d'Arlette L.O. sur la condition ouvrière. Entre deux lutinages musclés d'ouvrières et quelques tabassages d'ouvriers mécontents, il engage un intello de passage pour l'équipe de nuit. On reconnaît l'intello parce que tout le monde l'appèle l'intello et qu'il ne porte pas de tatouages.

L'intello chasse les rats avec une catapulte et des boîtes de Pepsi. Ce qui nous éclaire sur le personnage : il est déjanté (donc c'est un ancien du Vietnam) et il est « de gauche » (puisqu'il boit du Pepsi et pas du Coca ou de la Bud). Le film se poursuit comme ça un certain temps : lutinage d'ouvrière, un autre milliard de rats, catapulte pepsillée, contremaître insupportable, un autre milliard de rats, histoire d'amour (dispensable comme le reste du film) intello-prolo, etc. Quelques plaisanteries vaseuses sur les syndicats plus tard, on apprend 1) que les rats viennent d'un cimetière voisin, 2) qu'une équipe doit nettoyer les caves de la filature pendant les congés de Thanksgiving et 3) il va peut-être enfin se passer quelque chose. Un milliard de rats plus tard, on retrouve l'équipe de nuit (celle du titre américain), à savoir un noir, deux prolos, l'intello et sa prolette et le contremaître en plein travail. Le suspense est insoutenable : vont-ils enfin rencontrer la CREATURE DU CIMETIERE ? Attention,
S
P
O
I
L
E
R
Oui, c'est une espèce de chauve-souris mutante sans aucun intérêt et à part une bagarre rigolote à coups d'omoplates humains dans un ossuaire digne de la Hammer grande époque, le film continue à se dérouler sans réveiller le spectateur assoupi. A part l'intello (les gauchistes, c'est increvable), tout le monde meurt dans l'indifférence générale, même la chauve-souris qui finit dans une déchiqueteuse à coton (suite à un tir catapulté de boîte de pepsi...). Les rats, eux, vont bien, merci. Le spectateur aussi, car c'est enfin fini.

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