Le Chevalier Black
Genre : maman, j'ai perdu mon cerveau
Fiche technique
- USA, 2002
- Réal: Gil Junger
- Avec Martin Lawrence (Jamal), Marsha Thomason (Victoria), Tom Wilkinson (Knolte), Vincent Regan (Percival), Kevin Convay (roi Léo).
- Scénario de Darryl Quarles, Peter Gaulke et Gerry Swallow
Revue : Philippe Heurtel
Nous faisons connaissance de notre héros, Jamal, le noir américain tchatcheur, dragueur et magouilleur de service, en pleines ablutions matinales : gros plan sur le nettoyage des dents, des oreilles, sur le coupage des poils de nez... Le ton est donné : vous qui entrez ici, perdez toute espérance d'assister à une comédie légère et subtile. D'autant que, pour rester dans le pipi-caca, le travail de Jamal consiste essentiellement à nettoyer les douves et autres écuries d'un parc d'attraction médiéval. Ce parc, dirigé par une noire, peine devant son concurrent «Castle World» (les blacks contre les blancs de Disney ?).
En ramassant un médaillon, Jamal, vêtu de son maillot de foot, tombe à l' eau. Lorsqu'il remonte à la surface, il se trouve au bord d'un lac. Ne sachant pas encore qu'il a atterri au moyen-âge, il vient tout d'abord en aide à un vagabond (sans que la moindre différence de langage ne lui mette la moindre puce à l'oreille. "Les Visiteurs" faisait au moins un petit effort à ce niveau. Quand, plus tard, un autochtone utilisera le mot «génial», la crédibilité déjà bien entamée de ce film ne s'en trouvera pas renforcée). Puis il trouve un château qu'il prend pour Castle World. Il se fritte avec un chevalier qu'il croit être un figurant, puis drague une servante du roi, Victoria, une jeune black. Vous l'avez compris, il y aura une idylle entre les deux, en vertu de la loi politiquement correcte : au cinéma, les personnages ne fréquentent que des gens de leur race, sinon ça fait désordre.
A la suite d'un quiproquo, Jamal, toujours vêtu de son maillot de foot, est pris pour le message du Duc de Normandie qui doit venir épouser la princesse du roi Léo. Conduit aussitôt devant le roi Léo, qu'il salut d'un «Hey, salut tout le monde !» (ha ha ha, je pouffe), il se croit à un casting, improvise, et annonce l'arrivée prochaine du Duc. Le roi comptant beaucoup sur cette précieuse alliance, Jamal est accueilli à bras ouverts.
Tiens, ça faisait longtemps qu'on avait pas eu droit à un gag pipi-caca. Pris d'une envie pressante, Jamal est conduit jusqu'à une fosse sceptique, puante et infestée de mouches. Laissons le scénariste risque tout seul de ses propres gags, et poursuivons.
Jamal ne se doute de rien (il pourrait se demander où sont les visiteurs de Castle World, car jusqu'à présent il n'a rencontré que des figurants, mais non...), jusqu'à ce qu'il assiste à une décapitation publique. Enfin, notre voyageur temporel se rend compte qu'il y a un dragon sous le gravillon. Il apprend alors de Victoria qu'il est en 1328, en Angleterre, et que Léo, profitant de l'absence du roi Arthur, a viré la reine, pris le pouvoir, et que désormais il fait régner l'ordre avec le méchant Percival. Nouveau quiproquo : à cause de son médaillon, Victoria le prend pour un rebelle envoyé pour tuer le félon.
Ensuite, le roi emmène Jamal faire une ballade à cheval, et comme Jamal ne sait pas monter, ça fait bien rire tout le monde (sauf le pauvre spectateur, qui se demande quel maléfique médaillon il a bien pu ramasser pour se retrouver devant ce film qui est au cinéma ce que le moyen-âge est au progrès social).
Puis il y a un banquet. Comme on voit des danseurs, on se doute que Jamal va faire une démonstration de rap, ou un truc comme ça. Bingo ! Mais avant cela, nous avons droit à de nouveaux gags : rôts, pets, nourriture prise avec les mains... J'ai mal au ventre tellement je m'esclaffe.
Le scénariste semble bien aimer les quiproquos (d'ailleurs, c'est sûrement à la suite d'un quiproquo que son scénario a dû être accepté), car un nouveau malentendu force Jamal à faire une démonstration de danse Normande. Jamal tente sans succès d'imiter les danses médiévales. Comme le roi s'impatiente, il enseigne aux musiciens des rythmes autrement plus funky et, ainsi que je l'avais prédit, démontre ses talents de danseur. Toute la cour est séduite, même le roi s'y met (le bon vieux cliché du personnage digne et coincé à qui on enseigne la joie de vivre et qui se lâche).
A la suite d'un nouveau quiproquo, Jamal empêche un attentat contre le roi. Voilà notre héros promu seigneur de la cour. Le lendemain, il propose aux chevaliers enthousiastes la création d'un restaurant drive-in adapté aux chevaux, puis fait montre de bonté en épargnant un paysan voleur de navet (non, il n'a pas volé la pellicule du film - dommage - mais un brave légume de la famille des brassicacées).
Le soir venu, il fait mander Victoria sous prétexte d'exercer son droit de cuissage, mais en réalité pour lui expliquer qu'il n'a pas l'âme d'un rebelle ni d'un justicier. L'entretien est ponctué de cris et râles simulés pour donner le change aux gardes postés derrière la porte. J'ai les dents douloureuses à force de rire de toutes ces facéties.
Mais le lendemain arrive le véritable message du Duc ! Jamal est surpris au lit avec la princesse (que, dans le noir, il avait prise pour Victoria ; nous rions tous de bon cour). Emprisonné, Jamal apprend la légende du Chevalier Noir, puis est conduit sur l'échafaud. Il essaie de se faire passer pour un sorcier, et voilà que le bourreau s'étouffe avec la pomme qu' il était en train de croquer. Jamal profite de la panique et prend ses jambes à son cou ; le malheureux spectateur voudrait bien faire pareil car le supplice de la roue n'est rien en comparaison de ce film. Il est récupéré par le vagabond à qui il est venu en aide au début du film, et qui s'avère être Knolte, jadis preux chevalier, devenu ivrogne et ermite.
Conduit au camp des rebelles, Jamal décide de retourner dans son époque. En recherchant le lac qui l'a amené jusqu'ici, il sauve à nouveau Knolte, malmené par trois gueux. Devant tant de courage, Knolte retrouve sa dignité perdue et décide d'aider les rebelles (c'est beau, j'en ai les larmes aux yeux). Mais le camp des rebelles a été attaqué, et Victoria enlevée. Surprise : on découvre que, parmi les rebelles, se trouve la reine en personne, mais où vont-ils chercher tout ça ? Jamal exhorte les survivants à prendre les armes, et l'Angleterre à retrouver sa dignité. Sur fond de musique rap, il entraîne ses troupes à la manière des Marines, leur enseigne les techniques du combat de rue, et adapte même à la guerre les techniques du football américain (où sont les pom pom ribaudes ?). Ça fait un peu «L' Amérique sauve cet arriéré de reste du monde», mais passons.
Au cours d'une scène émouvante, Jamal offre ses baskets à Knolte, et Knolte lui enseigne que «tu seras meilleur chevalier que d'autres si tu choisis de l'être». C'est beau, on dirait du Yoda.
Bon, j'accélère. Les rebelles attaquent le château, Jamal apparaît déguisé en Chevalier Noir pour donner du courage à ses troupes mais il se casse la figure, le roi Léo est précipité dans les douves par le méchant Percival (on aurait pu croire que cela enverrait Léo à notre époque, un peu comme dans Les Visiteurs, mais non).
Puis Knolte reçoit une flèche décochée par Percival. Jamal se précipite pour venger son ami, d'autant que l'affreux a pris Victoria en otage (le cliché cinématographique est semblable au morpion : une fois qu'il s'est accroché au scénariste, il ne le lâche plus et il se multiplie). Jamal libère Victoria grâce aux techniques du base-ball et du basket-ball (si !). Il croit avoir réglé le compte de Percival, mais ce dernier se relève, avant d' être tué par Knolte, qui finalement va beaucoup mieux. Tant de connerie concentrée dans une heure trente de film, c'est presque beau. Bon, voilà, tout est bien qui finit bien, notre héros s'apprête à repartir chez lui. Mais il s'évanouit, et quand il se réveille, il est de nouveau à son époque, et apprend qu'il est resté inconscient une dizaine de minutes. Hé oui, tout cela n'était qu'un rêve ! Mais Jamal n'est plus le magouilleur de jadis. Il exhorte la directrice du parc médiéval à se battre, et les choses commencent à aller mieux. Jamal rencontre même le sosie de Victoria et tous deux tombent amoureux. Mais Jamal tombe à l'eau, et quand il revient à lui, il se trouve dans une arène antique au moment du lâcher des lions. C'est le seul moment drôle du film. Putain, j'ai souffert une heure trente pour cinq secondes de bonheur. Ça fait cher les préliminaires !
Le bilan ? Et bien "Le Chevalier Black" est un film exceptionnel !
Non pas parce que c'est une grosse daube, bourrée de clichés, dont l'humour oscille entre le pipi-caca et la tarte à la crème, et qui donne envie de décapiter le réalisateur, rouer le scénariste et écarteler les acteurs. Après tout, il n'est pas le premier et ne sera pas le dernier.
Pas non plus parce que Martin Lawrence, qui était beaucoup plus convainquant dans "Bad Boys", arrive à être plus horripilant que Will Smith et Eddy Murphy réunis. Après tout, le doublage français, calamiteux (en VF, Jamal a cette voix niaise et geignarde qu'on utilise dans les films censés faire rire les tous petits) y contribue grandement.
Non. "Le Chevalier Black" est un film exceptionnel parce que, en ouvrant dans un genre similaire, il parvient à être moins drôle, moins crédible, plus vulgaire, bref : pire, que le pourtant désastreux "Les Visiteurs en Amérique".
Et ça, les enfants, ça demande du Génie !