Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff
Genre : poursuite de bimbos
Fiche technique
- 1976
- Réalisation et scénario : Michel Lemoine.
- Interprétation : Michel Lemoine (Zaroff / ancêtre de Zaroff), Howard Vernon (Karl / Père de Karl), Joëlle Cœur (Anne / Jeanne), Nathalie Zeiger, Martine Azencot, Stéphane Lorry et Robert Icart.
Revue : Marc Madouraud
Du bis français consacré au Comte Zaroff ! A l’avance nous pouvons nous attendre à : du nibard, du sang, du re-nibard, du château (élément trop souvent négligé, mais sans lequel, convenez-en, les trois quarts de la production de Jean Rollin et de Jesus Franco n’auraient jamais existé, car on ne peut décemment pas transporter leurs films dans des maisons Phénix), du sadisme bon marché et du re-re-nibard.
Gageons aussi que le film va se réduire à de longues poursuites, dans un parc ou plus moins mité, de demoiselles dévêtues et hagardes.
Et pof ! (Le « paf » sera pour plus tard). Ca ne rate pas ! La première montre une belle brune totalement dévêtue qui court dans la campagne (mais sans gros plan, ce qui est du gâchis), poursuivie par un Michel Lemoine monté sur un cheval noir et un énorme chien (un braque ? Voire un braquemart ?) tout aussi noir. Le tout accompagné par une musique bruyante et assez peu à propos.
On a mal pour la pauvrette, qui court pieds nus sur un terrain loin de ressembler à une pelouse de foot anglaise. Bon, finalement, elle est acculée (pas de rires au fond de la salle, siouplait) contre ce que nous saurons plus tard être le haut d’une falaise et, effrayée par ses poursuivants, bascule en arrière. Schplaf !
Zaroffien en diable, hein ? Profitez en bien, car le reste n’aura pas grand chose à voir, à part peut-être les quelques scènes forestières suivantes.
Nous retrouvons après Michel Lemoine, le regard halluciné comme toujours, au volant de sa voiture. Sur une petite route de campagne, il remarque une très jolie brune qui fait de l’auto-stop (personnellement, ça ne m’est jamais arrivé, et vous ?) et l’embarque, bien évidemment. Il l’invite à son domicile, ce que l’idiote accepte. Là, nous avons droit à une séance torride d’absorption de champagne directement sur le corps nu de la fille, puis, le lendemain matin, tous deux repartent en voiture.
Décidément très inspirée, l’auto-stoppeuse demande à son hôte de faire une pause dans la forêt. Tous deux s’y enfoncent (dans la forêt, je préfère préciser) et s’arrêtent dans une clairière. Lemoine commence à lutiner la fille, qui croit à une prochaine de tagada (tsoin-tsoin, pour les initiés). Au lieu de cela, le sadique commence à l’étrangler, puis lui mord un nichon. Horrifiée, la donzelle part en courant dans le bois, la laiterie à l’air.
Elle n’a décidément pas de bol, puisqu’elle débouche sur la route, où Lemoine repassait en voiture. Son tortionnaire la poursuit donc jusque dans un champ – admirez l’intelligence de la fille, qui n’a même pas l’idée de se réfugier derrière les arbres – pour finalement l’écraser sous son auto. Finalement, elle y sera passée sous ses grosses roues de bagnoles (et non pas...) ! Peu après, Lemoine se débarrasse du cadavre dans un étang (bien qu’elle n’ait pas été pressée de finir ainsi dans l’étang...)
Lemoine retourne triomphalement dans son château, où l’on apprend son patronyme (même si on s’en doutait fortement) : le comte Zaroff, dernier du nom. Il est servi par une jolie domestique et un maître d’hôtel obséquieux, Karl (joué avec – extrême – onction par notre cher Howard Vernon). Là, on nous sert rapidement un flashback où l’on voit Karl au chevet de son vieux père mourant (Vernon encore, affublé de postiches pas très décoratifs). La papy lui lègue une mission sacrée : retrouver le dernier des Zaroff et faire en sorte que son sadisme héréditaire resurgisse. Bon, on ne comprend pas très bien le but de ce qui est visiblement une vengeance, mais pourquoi pas, on est pas là pour chipoter.
Dans le parc, le brindezingue commence à avoir des apparitions : une belle brune en blanc. D’ailleurs, comme elle est polie, la fille se présente : elle s’appelle Anne (jouée par la magnifique Joelle Cœur, seule de la distribution à tirer son épingle du jeu dans l’abracadabrant « Les Démoniaques » de Jean Rollin). Elle le mène jusqu’à un escalier qui donne, par une fenêtre, sur une grande salle. Là, remontant le passé, il voit danser, seuls, ladite Anne avec celui que nous reconnaissons sans coup férir comme étant son ancêtre le comte Zaroff. Nous apprenons que les deux sont très amoureux, mais que la belle est mariée. Puis, pouf, l’adorée est blessée à mort (son mari jaloux lui a tiré dessus ?) et s’effondre.
Le Zaroff actuel revient à la réalité : la dame blanche a disparu ! Il l’aperçoit au loin et la poursuit. Il arrive jusqu’à un cimetière, où, au lieu de sa proie, il ne découvre que son nom gravé en haut d’un caveau !
Ensuite, nous passons aux choses sérieuses. Zaroff a engagé une belle blonde opulente, pour lui rendre des services auxquels, visiblement, elle ne s’attend pas. D’entrée, il lui fait boire une coupe de champagne, boisson droguée car la demoiselle part dans un trip où elle se voit danser lascivement en robe lamée, puis se faire tripoter par un colosse noir.
La blondinette est ensuite reconduite dans sa chambre. Toujours stone, elle se trémousse à poil - enfin, pas tout à fait, elle a un superbe boa bleu – sur son lit à baldaquin (sur les draps, pas sur le baldaquin, elle n’est pas équilibriste), avec force tressautements mammaires du plus bel effet. Zaroff, caché derrière une glace sans tain, assiste au spectacle. Apparemment, il n’a pas apprécié, car il pénètre dans la pièce, insulte la fille et la donne à son énorme chien. La malheureuse, épouvantée et toujours à loilpé, s’enfuit dans les couloirs du château, le gros braquemart, euh, braque, sur les talons. Il parvient à la rejoindre : mêlée confuse, on ne voit pas trop bien ce qui se passe. La blonde parvient à se relever et, acculée (décidément), tombe par la fenêtre (encore). Schplaf, deuxième.
Quelques instants après, on frappe à la porte du château. Un jeune couple – elle, une blonde manifestement écervelée, lui, un petit brun insignifiant – est tombé en panne et réclame de l’aide. Zaroff, toujours grand seigneur, les invite à passer la nuit au château. Karl les conduit à leur chambre et la blondasse, dépoitraillée (c’est fou ce qu’on se met à poil dans un château qui doit être quand même froid), entame alors une petite danse. Par désœuvrement, elle regarde par la fenêtre... et voit au pied du mur la cadavre de l’autre blonde défenestrée. Elle appelle son copain mais, évidemment, quand ils regardent à nouveau, le corps a disparu. Deux minutes plus tard, elle aperçoit un homme tenant le cadavre et s’en allant dans le parc. Nouvel appel, et le fiancé ne voit toujours rien. C’est d’un passionnant !
Lors du repas, Zaroff apprend aux deux idiots qu’il existe une salle des tortures merveilleusement conservée dans les caves. Naturellement, cela émoustille la blonde qui, la nuit, alors que son mec est endormi, se lève et va baguenauder dans les sous-sols (ce qui est très très crédible, parce que rien qu’avec un mec ayant la gueule d’Howard Vernon dans les parages, personne n’aurait envie de faire ça). Elle réussit à trouver la fameuse salle... et y aperçoit un cadavre de femme dans la pénombre !
Apparté : quel est ce cadavre ? Ce ne peut être celui de la défenestrée, puisqu’il semblait avoir été emmené dans le parc ! A moins que ce ne soit la domestique aperçue lors de l’arrivée au château et qui n’était plus visible après ? Alors la scène de sa mort a-t-elle été caviardée ? A moins que ce ne soit celle du début, la traque à cheval, qui ait été montée (si je puis dire) à un autre endroit, pour donner du punch (mais pas de vraisemblance) au film ? Possible. Enfin, encore une fois, ne chipotons pas.
Les cris de la nounouille alertent son fiancé, Zaroff et Karl. Pour la rassurer, ils retournent tous dans la salle des tortures, où, je vous le donne en mille, il n’y a plus de macchabée. Le comte en profite pour leur faire visiter les merveilles du lieu. Les deux jeunes gens est très intéressé par un appareil censé punir les couples adultères. Amusés, les deux zouaves se font attacher sur une sorte de table, l’un contre l’autre. Un mécanisme est mis en marche et... le comte remonte l’escalier avec son domestique !
Avant d’aller se coucher, Zaroff ordonne à Karl d’aller les libérer (tiens, je croyais que c’était un gros sadique ?) Le maître d’hôtel acquiesce... et ne fait rien (tiens, je croyais que c’était un justicier, lui ?) Le scénario continue à yoyoter à fond. Comme rien n’est fait, dans la cave, la blonde et son fiancé comprennent alors leur sort prochain : une dalle hérissée de pointes descend lentement vers eux. Ce qui doit arriver arrive : ils sont percés de part en part, et le sang dégouline sur le sol...
Le lendemain matin, Karl assure à Zaroff que les deux fiancés sont partis au petit jour. Pourtant, le comte, apercevant la veste de la fille, comprend que c’est faux. Il écarquille les yeux et... Rien, après on passe à la suite, comme si de rien n’était !
Zaroff revoit encore la blanche Anne sur la route (si c’est Sœur Anne, elle est censée voir la route qui poudroie, non ?) Alors qu’il est revenu à son bureau (oui, bon, pourquoi pas), il apprend que la même Anne a téléphoné (tiens, les fantômes téléphonent, maintenant). Il retourne dare-dare au château et aperçoit la jeune femme. Il la poursuit jusque dans le grenier d’une grange limitrophe, où elle se met à poil, prémices à une partie de jambes en l’air dans la paille. Puis la fille est de nouveau miraculeusement habillée, ce qui pourrait nous faire croire que la scène sensuelle précédente n’existait que dans l’imagination de Zaroff.
Le comte commence à l’appeler par son prénom : Anne. La demoiselle, étonnée, se récrie : elle s’appelle Jeanne ! Qui c’est, celle-là ? L’intrigue devient de plus en plus obscure. Devant le courroux du gars, la fille se remet debout et recule jusqu’au bord du grenier... d’où elle tombe, évidemment (un vrai tombeur, ce comte, décidément). Mal, d’ailleurs, car elle s’étale sur une herse que Zaroff avait par maladresse fait tomber en montant à l’échelle, ce qui nuit gravement à sa santé.
Cet épisode malencontreux n’empêche notre sombre héros (sans les mantilles) de revoir Anne – la vraie ? – et de la courser à nouveau. D’abord, on pourrait penser qu’elle est tombée dans l’étang, mais il l’aperçoit à nouveau, et la suit... jusqu’au cimetière (ça change). Il pénètre dans le fameux caveau sur le fronton duquel le nom de la fille est inscrit, et trouve le cadavre de la dite au fond. A peine s’est-il penché sur elle qu’il n’a plus devant lui qu’un squelette. Ses malheurs ne sont pas terminés, car la porte se ferme bruyamment derrière lui.
Dehors, parmi les tombes, Karl entend les hurlements de son maître, mais se garde d’y porter attention. Il accroche à la grille du château un panneau « à vendre » et s’en va tranquillement en voiture. A voix haute, il lance un sibyllin autant que philosophe « désolé, père, elle m’a devancé », tout en conduisant sagement. Pourtant, sur la banquette arrière, une Anne toujours en blanc tend les mains vers son cou, manifestement pour l’étrangler...
Fin. Si si.
Les scénarios du bis fantastique français sont souvent tordus et à la limite de l’incompréhensible, mais celui-là décroche vraiment le pompon. Si l’intrigue est mal foutue dès le départ, on peut également soupçonner que le film a été massacré au montage (la scène de la poursuite à cheval aurait probablement dû intervenir en milieu de film), et même que certaines scènes ont dû être coupées – du moins, pour être gentil, on le supposera.
Reste que l’intrigue est grotesque et mal fichue. Pourquoi entremêler ce qui ressemble à deux vengeances, lesquelles se télescopent dans la confusion la plus complète ? D’ailleurs, la motivation de chacune de ces vengeances est nébuleuse. Pour quelle raison le père de Karl voulait-il que son fiston transforme le dernier des Zaroff en brute sadique ? S’il y avait eu une machination pour le perdre aux yeux de la police, pourquoi pas, mais ici ce n’est pas le cas. Et la raison d’Anne (ou de son fantôme). Certes, elle est morte dans les bras de son ancêtre, toutefois le comte semblait n’y être pour rien ! Par amour, pour l’emmener avec elle dans la mort ?
Et s’accumulent ainsi les incohérences à la cadence d’une mitrailleuse. Qu’est devenue la domestique aperçue à l’arrivée au château ? Quelles sont, donc, les motivations d’Anne et du père de Karl ? Pourquoi Karl se montre-t-il finalement plus sadique envers autrui que Zaroff (et celui-ci moins cruel que prévu) ? Qu’attendait Zaroff de la blonde en la droguant ? Que vient faire le fantôme d’Anne dans la voiture, au final, alors qu’elle n’a a priori aucun grief envers lui ?
Autre bizarrerie : le thème de la chasse à l’être humain, indissociable du nom Zaroff, n’est quasiment pas exploité, pour laisser la place à une histoire de fantômes et de vengeance !
Bon, c’est fatigant ces scénarios loupés !
Ce pauvre Michel Lemoine est tombé bien bas. A sa décharge, il faut avouer qu’il n’était jamais allé bien haut non plus. Il se fit connaître comme acteur : passé inaperçu en France, il devint par la suite une petite vedette en Italie, notamment grâce à son extra-terrestre de « Le Monstre aux yeux verts », où son physique élancé, son beau visage et son regard halluciné font merveille.
Sa belle gueule ne suffisant plus à lui fournir du boulot, il se reconvertit dans le film érotique, pour une longue série jusqu’à la fin des années 1980. « Les Week-ends... » semble être sa seule incursion, du moins portant clairement ce label, dans l’épouvante.
En tout cas, quand on voit sa prestation d’acteur ici, on comprend franchement pourquoi il a vite changé de carrière. Sa gestuelle est hasardeuse, son jeu très forcé : il passe son temps à écarquiller les yeux pour accentuer l’étrangeté de son regard, et pousse des braillements horribles pour montrer sa terreur. Aux antipodes, Howard Vernon fait dans la suavité et la sobriété : dommage qu’on le voit trop peu.
Des week-ends maléfiques ? Non, faméliques, dirais-je plutôt...