Beyond the Time Barrier

Genre :  SF à effet temporel

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Pour une fois, je ne ferai pas d'ironie envers un petit film sympathique et mésestimé, qui mérite une petite chronique pour le sortir de l'oubli. (Ce qui ne l'empêche pas d'être nanarifiant à de nombreux titres).

 

En 1960, le major Allison expérimente un tout nouvel avion supersonique. Une fois son vol effectué, à peine a-t-il atterri qu’il découvre des changements : la base est non seulement déserte, mais semble abandonnée depuis des années. Pas âme qui vive dans la région ! Il est rapidement victime d’un rayon paralysant, et emmené dans une ville souterraine aux décors étranges et aux habitants quasiment tous muets.

Peu à peu, il va apprendre la vérité : il est désormais en 2024, car à bord de son avion, en atteignant une certaine vitesse, il a créé les « conditions mathématiques » nécessaires pour faire un bond dans le temps. Une catastrophe a éliminé la plus grande partie de l’humanité en 1971 : les explosions atomiques ayant progressivement modifié la composition de l’atmosphère, les rayons cosmiques qui étaient auparavant filtrés ont fait des ravages parmi la population. Les survivants se divisent en deux clans : celui des mutants, des psychopathes chauves qui haïssent l’autre race, et les non-mutants, devenus sourds, muets et stériles – à l’exception de la jolie princesse Trirene, seule à rester féconde. En fait, les non-mutants ne sont qu’au premier stade de la mutation et cherchent à perpétuer leur lignée avant de disparaître à jamais : ils comptent pour cela sur Allison, promu au titre de reproducteur, agréé par Trirene qui est tombée amouse de lui.

Mais les sourds-muets ne sont pas les seuls à habiter la ville : avant la catastrophe, l’humanité avait déjà conquis l’espace, et une partie de la population a pu gagner les autres planètes, s’attirant ainsi la colère de ceux qui ont dû rester sur Terre, qui les ont surnommés les « fuyards ». Trois de ces fuyards, scientifiques de formation, ont été recueillis par la cité souterraine, après avoir eux aussi avancé dans le temps à bord de leur propre engin, l’une (une Russe) en 1980, les deux autres (dont un à l’apparence très germanique) en 1994. Peu enclins à rester au service des non-mutants, ils rêvent de s’échapper à bord de l’avion d’Allison, et font croire à celui-ci qu’il doit retourner à son époque pour empêcher le désastre en alertant les hommes de 1960. Pour faciliter leur évasion, les « fuyards » libèrent des mutants qui étaient prisonniers et qui massacrent une partie des habitants. Au moment de s’échapper, le trio s’entretue pour avoir le droit de monter à bord de l’avion et la pauvre Trirene écope d’une balle perdue. Allison ramène le cadavre de la jeune fille à son grand-père, le Suprême, qui, conscient du sort irrémédiable de son peuple, encourage le major à retourner en 1960.

Allison réussit son coup et revient le jour même de son départ. Malgré leur incrédulité initiale, les autorités commencent à le croire quand sont vérifiées certaines de ses informations. Mais l’infortuné Allison ne pourra pas profiter longtemps de sa réussite : en revenant en 1960, il s’est retrouvé âgé de quarante ans supplémentaires, et n’est plus qu’un vieillard grabataire !

Petite série-B sans trop de budget comme savait les faire Edgar G. Ulmer (« Le Chat noir », « Détour », « The Man from Planet X », « The Amazing Transparent Man »), « Beyond the Time Barrier » a été toujours injustement vilipendée et traitée comme quantité négligeable au milieu des films de SF de l’époque.

Certes, l’interprétation est calamiteuse (Robert Clarke est inexpressif et Vladimir Sokoloff un peu ridicule sous sa perruque). Certes, les dialogues sont souvent niais et ampoulés. Certes, le scénario égrène les incohérences à toute vitesse (Clarke aperçoit au début une superbe ville futuriste, alors que l’on sait par la suite que les rescapés vivent en sous-sol ; le même Clarke est considéré comme le messie de la reproduction, bien que l’on puisse se demander pourquoi personne n’a pensé aux « fuyards », qui ne doivent pas être stériles non plus ; etc.)

Toutefois, rarement les films de SF qui lui étaient contemporains ont affiché une telle richesse thématique : voyage temporel, anticipation, monde post-apocalyptique et mutations, excusez du peu. Malgré un budget visiblement réduit (à en croire le nombre quelquefois pitoyable de figurants), de gros efforts ont été faits pour donner une apparence futuriste et inaccoutumée aux décors de la ville souterraine, tous basés sur des triangles et des pyramides (à mi-chemin entre ceux du film muet russe « Aélita » et ceux de « Planète interdite »).

Scénariste (et quelquefois réalisateur) ayant consacré toute sa carrière – dix-huit de (plus ou moins) bons et loyaux services – à la SF, Arthur Pierce avait visiblement beaucoup d’imagination. Son problème est qu’il n’arrivait pas à appliquer ses idées à une intrigue cohérente, et se fichait des détails comme d’une guigne. C’est ce qui a poussé, à tort à mon humble avis, cette petite série B dans l’oubli.

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