La petite sirène, version tchèque
Genre : poésie, quand tu nous tiens
Fiche technique
- 1976
- Plusieurs oscars tchèques !
Revue : Patrick Marcel
Bon, je suis un tendre, et j'aime la pouésie. J'ai donc commencé à regarder la chose.
Que je vous résume:
Des gens habillés de bleu avec des nids d'oiseaux sur la tête représentent le peuple des mers. La petite sirène chante en tchèque de façon somnolente, au grand plaisir des figurants qui l'entourent et qui restent immobiles d'enthousiasme. A un moment, le prince tombe dans des fumigènes qui représentent une tempête en mer. C'est de la pouésie, alors il faut interpréter avec bonne volonté. La petite sirène sauve le prince en faisant la planche avec lui dans vingt centimètres d'eau. C'est captivant.
Après ce palpitant sauvetage, la petite sirène devient mélancolique (ça se reconnaît, elle bouge encore moins qu'avant) et après avoir consulté un mannequin de grands magasins en plastique qui joue avec conviction la statue de sa maman défunte, va voir la sorcière des mers qui lui balance des jets de flamme dessus (un moment assez joli à l'oeil et plutôt réussi question effets, profitons-en, ça ne va pas durer), et lui fait le marché bien connu en lui prenant sa voix pour la rendre humaine. Là, on se réjouit, on n'entendra plus la rengaine léthargique, qui reçut à l'époque je ne sais quel prix aux oscars tchèques, ce qui montre que le cinéma tchèque savait vraiment rigoler en ce temps-là (ou que la vente de soporifiques, sévérement reglementée en pharmacie, obligeait les gens à employer des palliatifs créatifs).
Au bout d'un temps infini, la petite sirène (ici appelée "la petite fée des mers", sans doute parce que les Tchèques n'ayant pas de façade maritime, n'ont pas de terme pour sirène) devient rousse et se retrouve toute nue sur la plage devant le prince. Celui-ci, tout excité (enfin, j'interpréte ça comme ça, mais il reste impassible et veille à ne point déranger un cheveu de sa perruque rousse par une agitation de mauvais aloi), commence à danser avec elle dans un pré devant chez lui, avec une frénésie de paralytique atteint d'arthrite.
Des filles habillées de tenues qui évoquent vaguement différents pays (seule la Japonaise est reconnaissable, surtout parce qu'elle est vraiment japonaise) font la gueule en regardant la petite sirène. Je suis heureux de voir que d'autres partagent l'opinion que j'ai d'elle. Des violons et des pipeaux rejouent un des airs entraînants qui ont tant conquis le public à l'époque. Subjugué par leur rythme endiablé, j'ai des pensées de suicide qui me passent par la tête.
Une terrible tempête se lève et les fiancées du prince reçoivent des seaux d'eau pendant qu'elles courent. Mais la petite sirène caresse son superbe collier en béton précontraint et verre rouge, chef d'oeuvre du peuple de la mer et d'un accessoiriste peu inspiré, et un plan d'ensemble de la mer montre que la tempête est terminée (on dirait même qu'elle n'a jamais commencé, mais bon, c'était les années soixante-dix, les effets spéciaux étaient encore frustres, et de toutes façons, on sent bien que les Tchèques n'essaient même pas: ils visent la pouésie - celle-ci, atteinte en plein coeur, est d'ailleurs dans un profond coma).
Arrivé à ce summum de l'excitation et de la trépidation, je suis tiré de ma torpeur par une panne d'émetteur. Je prends ça pour une intervention divine et pour un présage et, trop content de l'aubaine, je file me coucher... :-((
Comme quoi, tous les nanars ne sont pas à se rouler par terre de rire.
Bon, à la décharge de la petitzkouïa sirenyzaia de l'océanskiounaia, j'avais juste avant regardé "Armageddon", qui est, question rythme, pas loin de l'antithèse totale (en fait, c'est un film tellement trop qu'on n'a même pas la possibilité de ne pas se laisser prendre au jeu!).
Mais quand même, les Tchèques, la pouésie et les années soixante-dix, ça fait pas un mélange détonnant.