Giant From the Unknown
Genre : le géant vit de rire
Fiche technique
- 1958, U.S.A., 77 minutes, noir & blanc
- Réalisation : Richard E. Cunha
- Scénario : Ralph Brooke et Frank Hart Taussig
- Interprétation : Ed Kemmer (Wayne Brooks), Sally Fraser (Janet Cleveland), Bob Steele (Shérif Parker), Morris Ankrum (Dr. Frederick Cleveland), Buddy Baer (Vargas le géant), Oliver Blake (le cafetier), Jolene Brand (Ann Brown), Gary Crutcher (Charlie Brown), Billy Dix (Joe l'indien)
Revue : Marc Madouraud
Il vient de l'inconnu, ce géant ? Voire d'un autre monde, comme l'affirme son slogan (It came from another world!) ? Ben... Franchement, moi, je ne l'ai vu sortir que d'un tas de sciure...
Mais reprenons depuis le début. Dans un village des montagnes californiennes, le shérif (Steele) s'inquiète de la découverte de cadavres d'animaux, bizarrement tués. Surviennent alors trois scientifiques : un jeune homme (Kemmer), un vieillard (Papy Ankrum) et sa jolie fille (Fraser). Le papa et sa fifille font des recherches archéologiques : ils veulent retrouver les restes d'une expédition espagnole du quatorzième siècle qui était venue chercher de l'or dans les parages ; ces hommes étaient menés par un hercule cruel nommé Vargas. Le jeune homme, lui, est plutôt versé dans la biologie : il s'intéresse notamment à un lézard qui a survécu des siècles emprisonné dans le roc; le sol de la région aurait-il un pouvoir conservateur ? Pas besoin de vous le dire, sinon, que les deux jeunes gens tombent rapidement amoureux, vous vous en doutiez...
Les archéologues dénichent les fameux restes des conquistadors, notamment une armure de taille colossale. Et arrive ce qui devait arriver. Un méchant orage frappe la région, et la foudre tombe. Et pas sur n'importe qui ! Sous un tas d'humus (enfin, manifestement de sciure, et pas très épais), un corps se réveille, puis s'extrait pesamment : Vargas, le con-qui-s'adore taille XXL. Faut croire que la terre du coin conserve effectivement mieux que le formol. Effectivement, c'est un mastodonte, puisqu'il emprunte le corps de l'ex-catcheur Buddy Baer, et il paraît plutôt rébarbatif avec son visage terreux et son front déchiré d'une cicatrice. Baguenaudant dans le coin (enfin, imaginez la démarche du monstre de Frankenstein, en plus pataud), il découvre, bien exposés sur le chantier de fouilles, son ancienne armure et son casque, qu'il se hâte de mettre - on peut être à la fois zombi et pudique.
Bon, vous avez compris : on a maintenant un Giant Conquistador on the Loose. Et que fait habituellement un monmonstre qui bat la campagne ? Il trucide une jeunesse locale ? Oui, gagné ! Comme personne ne l'a vu (c'est vrai qu'il a une sacrée tendance à passer inaperçu avec sa dégaine et sa carrure, le bougre), le shérif cherche ailleurs le meurtrier et s'en prend au jeune scientifique, qu'il avait dans le nez. Heureusement, Vargas, qui a quand même du goût s'il a une sale gueule, affiche des manières d'homme préhistorique et enlève tout bonnement l'héroïne. Ce rapt peu galant ouvre les yeux du shérif et une petite milice se lance à la poursuite du géant dans la forêt. Mais les balles ne semblent guère gêner le ressuscité, alors que les pans de roc qu'il balance allègrement s'avèrent fort dommageables aux infortunés qui les reçoivent en pleine poire.
Finalement, la meute des poursuivants réussit à coincer le monstre dans un vieux moulin. Le jeune savant et lui se battent près d'une chute d'eau, et Vargas se montre tellement maladroit qu'il tombe dans l'eau. On nous annonce alors qu'il est mort, ce qui peut paraître étonnant. Sauf, évidemment, si l'on pense que c'est sa couche de crasse qui le maintenait en vie, et qu'une douche improvisée l'a lavé non seulement de sa saleté, mais aussi de son existence et de ses péchés. Pourquoi pas ?
C'est tout. Manifestement, les deux supposés scénaristes ne se sont pas foulés et ont dû griffonner leur intrigue ultra-minimaliste sur un coin de table. Ce devait d'ailleurs être en fin de repas, qui avait dû être arrosé. J'en veux pour preuve la grosse bêtise du début de film : par qui ont pu être tués les animaux, alors que Vargas, à ce moment, n'était pas encore ressuscité ? Hein ?
Les exégètes en nanarophilie mettent ce fait sur le compte de l'extrême pauvreté du budget et des conditions de tournage. Le film fut en effet réalisé en un temps record, et les anecdotes abondent sur les acrobaties financières auxquelles durent se livrer les producteurs. Ainsi, pour échapper aux syndicalistes et donc payer moins cher les acteurs, ils déclarèrent à l'équipe qu'ils allaient tourner sur une plage à Paradise Cove, embarquèrent tout le monde dans un autocar... et se rendirent dans les montagnes ! Le syndicat réussit tout de même à les retrouver au bout de quarante-huit heures. Le tournage ne fut pas des plus pros : le combat final dut être retourné quand l'opérateur s'aperçut que le l'obturateur de la caméra était resté fermé !
Le film reste surtout connu comme ayant été le premier réalisé par l'ineffable Richard Cunha, qui continua sa «brillante» carrière avec des chefs-d'oeuvre comme «She-Demons», «Frankenstein's Daughter» et «Missile to the Moon». D'aucuns le considèrent comme son meilleur long-métrage, ce qui est peu flatteur pour les trois autres... L'interprétation est honnête, sans plus. La principale curiosité réside dans le géant Buddy Baer, qui avait interprété le célèbre colosse Ursus, combattant dans l'arène pour sauver une jeune chrétienne dans «Quo Vadis» en 1951, mais il est ici sous-employé, forcé de jouer les zombis sans âme. A noter, son maquillage fut assuré par le mythique Jack Pierce, qui oeuvrait dans les années 1930 sur Boris Karloff.
En fait, il n'y a pas grand chose à dire sur Giant from the Unknown qui, sans être ridicule, demeure trop pauvre, dans tous les sens du terme, pour attirer l'attention du nanarophage.