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Le lettrage de la BD Naheulbeuk
Un mot de Pierre, qui a réalisé le lettrage sur tous nos albums :
Le Lettrage, mais qu'est-ce donc ? combien de fois me pose t-on la
question…
Eh bien cela consiste à remplir les bulles avec les dialogues mis au
point par le scénariste, tout simplement. Plusieurs choses sont
importantes afin de faire un lettrage de qualité :
- Tout d'abord la typo, c'est la police de caractères qui doit correspondre le plus possible à l'esprit de la BD :
- Celle de Naheulbeuk que l'on retrouve pour les êtres humains est une création qui passe bien avec un peu tous les genres, à la fois ronde pour ne pas donner l'impression d'être trop sévère et sérieuse (c'est un univers humoristique), mais une bonne tenue cependant pour que sa lecture soit simple.
- Pour la narration c'est une police à l'esprit gothique qui convient bien au côté obscur et rude de l'époque.
- Ensuite il y a celle de l'ogre, massive pour retrouver le son guttural et caverneux, mais avec un dessin qui reste amusant, il ne fallait pas perdre cet aspect du personnage.
- Et la dernière, celle des créatures du côté des méchants, il fallait quelle fasse peur tout en restant lisible, je crois que son aspect en zig zag vertical (l'ondulation = serpent = mensonge = négatif) et ses contours abîmées (ancien = ténébreux = inconnu = caste) sont en adéquation avec l'image de ces créatures du mal.
- Les typos sélectionnées, on passe à présent à la disposition des
textes dans les bulles ; l'auteur aura au préalable numéroté ses
dialogues par pages en commençant par 1 à chaque début de planche sur
un fichier texte et sur une photocopie des planches chaque bulle sera
aussi numérotée, ainsi il suffit de suivre l'ordre car l'enchaînement
logique n'est pas toujours évident.
- Une fois disposé dans une bulle, le texte est travaillé :
- de façon à limiter la césure au maximum (coupe du mot), car à la lecture ces coupures peuvent casser le rythme de lecture. Malheureusement les bulles et les textes ne sont pas toujours bien proportionnées, mais si on réduit parfois un peu la taille des caractères lorsque la bulle est trop petite, on évite de faire plus d'un point de décalage de taille car non seulement ce ne serait pas joli et surtout vous pourriez croire que le personnage chuchote ou parle plus fort si la bulle est trop grosse par rapport au texte, c'est un cas qui se présente aussi.
Donc parfois c'est un peu du bricolage et inévitablement pour tout faire rentrer, des mots peuvent être césurés 'couper en deux). Dans le pire des cas si vraiment il y a eu une grosse erreur de calibration de la bulle, on intervient sur le dessin afin d'agrandir ou diminuer la bulle.
- afin de le rendre plus vivant, de retranscrire les hauteurs de voix et être le plus possible en adéquation avec ce que le personnage ressent ou exprime ; ainsi on met le texte en gras et/ou on grossi la phrase ou le mot pour faire ressortir la voix qui augmente, les cris, la douleur, les ordres, etc.
À l'inverse la taille sera réduite pour exprimer un chuchotement, la fragilité ou l'éloignement, etc.
- Ces effet sont aussi obtenus avec le blanc entre le texte et le bord de la bulle, en effet imaginez un bulle avec un texte tout petit, on a vraiment l'impression que le texte est prononcé tout doucement, à l'inverse un texte gras très proche des bords donnera l'impression qu'il va sortir de la bulle et donc que la voix porte très fort.
- Pour le chant on peut aussi écrire le texte sous forme de vagues qui retranscrivent assez bien les fluctuations du chant.
Mais comment on met ses textes dans les bulles allez-vous me dire ?
En les collant ou en écrivant directement sur les planches ?
Il y a pas si longtemps c'était une technique, ou alors le texte
étaient écrit sur un calque ou une feuille à part puis scanné et
remonté sur les planches lors de la mise en pages.
Désormais c'est à l'ordinateur que se font la majorité des lettrages :
soit avec un logiciel de mise en couleurs ou de retouches qui ont un
"outil texte" (photoshop) le texte étant donc positionné une fois la
planche scannée, ou bien avec les logiciels de mise en pages (X-press,
InDesign) qui apportent un plus grand confort, à la fois pour les
corrections orthographiques, mais aussi pour les changements de
dernières minutes sans oublier la qualité du rendu de la police qui est
meilleur. Dans ce dernier cas, la planche vierge de texte mais avec les
bulles dessinées dans l'image (bien que l'on puisse aussi créer les
bulles directement dans ces logiciels ) est importé dans une maquette
qui représente la page de l'ouvrage, puis on dispose un bloc de texte
transparent par dessus la bulle et le texte est là aussi importé. Après
c'est le travail indiqué au-dessus qui intervient.
Une fois ces étapes passées, un tirage sur imprimante est réalisé afin
de faire plusieurs lectures qui permettent de vérifier que les textes
sont bien centrés dans les bulles, qu'il n'y a pas de bulles
interverties, qu'il ne manque pas de mots, bref que tout soit là où il
faut. L'auteur peut encore opérer des changements de textes, puis c'est
la correctrice qui intervient pour éliminer un maximum de fautes sur le
tirage papier, malheureusement il y en a encore et toujours qui
échappent à la vigilance général, mais lors de réimpressions elles sont
corrigées. Toutes les corrections sont alors intégrées dans le logiciel
et enregistrées. Direction l'imprimeur !
Et voilà, mission accomplie, à vous de lire, peut-être ne
regarderez-vous plus les bulles de la même manière désormais ?
Pierre Léoni
Design et texte © Pen of Chaos, Dessins Marion / Design POC aussi
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