Actualité, 1er aout 1999 :
Bergheim: un musée à la mémoire de 40 femmes brûlées pour sorcellerie Par Hervé GAVARD
BERGHEIM (Haut-Rhin), 1er août (AFP) - Entre 1582 et 1683, quarante femmes furent torturées, jugées et brûlées à Bergheim, près de Sélestat, pour faits de sorcellerie. Quarante victimes de la peur, de l'obscurantisme et de l'irrationnel auxquelles le village alsacien veut rendre hommage. Le thème de la sorcellerie s'est presque naturellement imposé quand a été prise la décision de transformer un bâtiment municipal en musée.
Des documents exceptionnels, liés à l'histoire du village, étaient en effet conservés en mairie: les actes originaux de ces 40 procès et la condamnation de Catherine Bassler ou de Margareth Mowell et de leurs concitoyennes pour avoir pactisé avec le diable. Les minutes sont rédigées en vieil allemand. Le baillage, regroupant Bergheim, sa voisine Rorschwihr et une partie de Rodern, dépendait en effet de l'Autriche et de la maison des Habsbourg.
L'an dernier est enfin née "une Maison des procès de la sorcellerie". L'espace, encore modeste -seul le rez-de-chaussée est ouvert-, se veut un lieu d'exposition et de recherches "sur les procès et sur une époque troublée, marquée, dans toute l'Europe, par la chasse aux sorcières", explique Armand Peter, membre de la Société d'histoire locale.
Une époque caractérisée aussi par la peur des catastrophes naturelles, des mauvaises récoltes, des épidémies, de la famine, de la guerre ou plus simplement de l'autre. Il n'en fallait peut-être pas plus pour rechercher des bouc émissaires. Jeunes, vieilles, riches ou pauvres, n'importe quelle femme pouvait être touchée" par la vindicte, poursuit Armand Peter. "Un fait mineur ou irrationnel comme un juron contre l'église, précise Germaine Braun, institutrice et membre de la société d'histoire, un précepte religieux non suivi, mais aussi une mauvaise récolte, un enfant qui mourait lors de l'accouchement, suffisaient pour déclencher la rumeur" qui, inéluctablement, entraînait la condamnée sur le bûcher.
Les moindres détails des procès se trouvent consignés dans les précieux documents: de la plainte du bailli, représentant la maison d'Autriche, aux aveux, toujours extorqués sous la torture. "Les femmes devaient avouer leurs rapports intimes avec le diable, raconter leur mariage avec lui, décrire la cérémonie et dénoncer celles qui y avaient assisté", poursuit Mme Braun. La sentence s'abattait alors: "Mit dem feuer, von Leben zum Todt gericht.. ": "elle doit passer de la vie à la mort par le feu et devenir cendres". Un travail exécuté par le bourreau, arrivé de Colmar sous solide escorte. Le musée de Bergheim abrite aussi un livre publié en latin par un moine bénédictin de Sélestat, Henri Institoris, sous le titre "Malleus Maleficorum". "Ce manuel, véritable traité destiné aux juges pour débusquer les cas de sorcellerie, sera pendant deux siècles un véritable best-seller dans toute l'Europe", assure M. Peter. En s'appuyant sur ce traité, les juges condamnèrent des milliers de femmes au bûcher.
Source YAHOO